Fortement relayés par les médias et surtout par les réseaux sociaux, les régimes d’exclusion débordent des rayons alimentaires pour investir les modes de vie, avec les « sans-se-laver », « sans-s’habiller »… Le même scénario attire à chaque fois des foules d’adeptes : haro sur un produit, une substance, un comportement, qui empêcherait de bien vivre. Enjeu : se soigner individuellement, en dehors des chemins médicaux scientifiquement balisés. « Le Quotidien » propose un état des lieux de ces « sans-sans », en deux temps : intox/détox.
Détox : les effets sidérants d’un mois sans alcool (du tout)
L’origine de cette mode de désintoxication alcoolique temporaire remonte à une campagne lancée en 1942 par le gouvernement finlandais, « Sober january », mais il s’agissait alors de soutenir l’effort de guerre en reportant le budget mensuel de la consommation alcoolique sur celui des armées. Et ce sont les Britanniques qui ont repris l’idée en 2013, en lançant la campagne « Dry january », sous l’égide de Public Health England.
Relayée abondamment sur les réseaux sociaux, rééditée chaque année, cette campagne d’abstinence pendant trente jours produit chaque année des résultats qualifiés de « sidérants », par le Pr Kevin Moore, coauteur d’une étude de l’University College effectuée en 2015 sur 102 hommes et femmes quadragénaires, qui consommaient avant la campagne le double de la dose maximale préconisée par l’OMS : « S’il existait un médicament produisant le même effet, il rapporterait des milliards. On a constaté une baisse de 40 % de la graisse au niveau du foie, accompagnée d’une réduction de 12,5 % de la raideur hépatique, une perte moyenne de poids d’environ trois kilos, un risque de diabète diminué de 28 %, une amélioration pour les taux de cholestérol, ainsi qu’une meilleure qualité de sommeil. »
Ces scores impressionnants confirment que l’abstinence reste la pierre angulaire dans le traitement de la maladie alcoolique, les études montrant que les bénéfices de l’arrêt de consommation s’observent dès les premiers jours. Et l’effet amaigrissant de la diète alcoolique la classe probablement en tête des régimes minceurs. Boire ou maigrir, il faudrait donc choisir.
En plus de leur apport calorique, les boissons alcooliques orientent en effet les choix alimentaires vers plus de protéines et de matières grasses saturées (étude publiée dans The American journal of clinical nutrition du 22-1-2013).
Le succès de « Dry january » au Royaume-Uni est tel qu’il s’exporte. Les Canadiens ont créé « Sober october » et les Belges, champions de la consommation de bière, ont lancé « Tournée minérale », choisissant le mois certes le plus court, février (28 jours à tenir), qui est aussi celui de la journée mondiale de lutte contre le cancer (4 février). La France, pays du french paradox, s’abstient quant à elle de suivre le mouvement de l’abstinence mensuelle, alors que le « Mois sans tabac » remporte un vif succès.
Intox de l’abstinence ?
En France, les représentations encore trop positives de l’alcool (convivialité, culture, art de vivre, action anti-oxydante des polyphénols du vin rouge, censée combattre le risque des maladies cardiovasculaires, l’artériosclérose et accroître l’espérance de vie, action des lobbies), tout concourt à faire obstacle à un mois de la sobriété tant la consommation d’alcool reste la norme.
Mais les opérations « Mois sans alcool » sont aussi discutées dans les pays où elles sont promues. Leurs effets positifs n’ont été validés que sur le court terme et ils n’apporteraient pas de solution dans la durée pour les personnes atteintes d’un véritable problème d’alcool. L’association britannique Alcohol concern soutient que ces personnes ne devraient pas participer à Dry January.
Le cofondateur des Alcooliques anonymes, Bill Wilson, lui-même ancien alcoolique, déconseille de relever le défi social de l’opération et lui préfère une alternative : prendre chaque semaine, deux ou trois jours de pause, ce qui fera 100 à 150 jours sans alcool sur l’année. Le site américain Business Insider dénonce en Dry january une mode qui « n’est pas faite pour les gens qui aimeraient améliorer leurs vies, mais pour ceux qui souhaitent les améliorer publiquement, se dévouant de manière ostentatoire à leur santé et, incidemment, culpabiliser ceux qui continuent de boire un verre de vin régulièrement. »
À ceux-là, la nutritionniste Florence Foucault, qui ne se déclare pas favorable à la diète totale, rappelle que « l’alcool, c’est du sucre et de l’éthanol, un nutriment qui a une valeur énergétique de 7 kcal par gramme ». « Chaque verre de vin à 12° de titrage aura donc une valeur calorique de 70 calories », confirme le nutritionniste Jean-Michel Cohen. A quand l’affichage des calories sur les boissons alcoolisées, comme sur les boissons sans alcool (une recommandation de la Royal Society for Public Health) ? Plutôt que la diète, c’est la stratégie de l’information sur les effets et les risques sanitaires associés à la consommation d’alcool qui est privilégiée en France, suivant les recommandations des experts (avis du 4 mai 2017).
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