Les hépatopathies alcooliques, allant de la stéatose à la cirrhose, semblent aggravées par la présence d'une infection fongique intestinale, suggère pour la première fois une étude publiée dans « Journal of Clinical Investigation » soutenue par les Instituts nationaux de la santé américains.
Les chercheurs de l'université de Californie (San Diego) et de l'Institut J. Craig Venter (Rockville) vont plus loin en proposant de tester un traitement antifongique oral pour ralentir l'évolution de l'atteinte hépatique, au vu de résultats encourageants chez la souris.
La cirrhose est la 12e cause de mortalité dans le monde, due pour moitié à l'abus d'alcool. Il est connu que la consommation d'alcool entraîne un changement de microbiote intestinal mais le rôle d'une infection fongique intestinale au cours de la maladie hépatique alcoolique était méconnu.
Des bêta-glucanes qui migrent vers le foie
Dans cette étude, l'équipe dirigée par le Dr Bernd Schnabl, gastro-entérologue à San Diego, a constaté que les champignons se développent dans le système digestif lors de l'exposition à l'alcool chez la souris. De plus, les chercheurs ont observé que la surexpression fongique exacerbe la maladie du foie, en raison notamment des bêta-glucanes fongiques qui migrent de la paroi intestinale vers les organes adjacents et qui sont à l'origine d'une inflammation chronique.
Afin de déterminer le levier de la croissance fongique pour protéger le foie, les scientifiques ont testé chez la souris l'administration orale d'amphotéricine B. Par rapport à un groupe non traité, les rongeurs ayant une maladie du foie ont présenté des niveaux plus faibles d'atteinte hépatique et d'accumulation de graisse, mesurés par les taux d'ALAT (réduction d'environ 55 %) et de triglycérides (réduction d'environ 21 %).
Des données préliminaires chez l'homme
« Ce travail démontre que l'hépatopathie alcoolique est exacerbée non seulement par les bactéries, mais aussi par les champignons, estime Derrick Fouts, professeur de génomique à l'institut J.Craig Venter et co-auteur. C'est pourquoi on a besoin de stratégies de traitement qui ciblent les deux en pratique ».
Dans cette optique, les chercheurs avancent certaines données chez l'homme dans la 2e partie de l'étude. En comparant la composition fécale de 8 sujets sains et de 20 sujets ayant une hépatopathie alcoolique, l'équipe a fait plusieurs constats. Premièrement, il existe une plus grande diversité fongique intestinale chez les sujets sains. Deuxièmement, un type fongique en particulier était surreprésenté, le Candida, quel que soit le degré de sévérité de la maladie.
Dans un groupe indépendant de 27 sujets ayant une hépatopathie alcoolique, les scientifiques ont mis en évidence une corrélation entre la sévérité de la maladie et la charge fongique, mesurée par le taux d'anticorps spécifiques. Plus l'exposition fongique était élevée, plus le risque de décès augmentait. À 5 ans, 77 % du groupe à faible exposition (n = 13) était en vie tandis que 36 % du groupe à forte exposition (n = 14) l'était.
Malgré ces données prometteuses, les chercheurs veulent rester prudents en soulignant le nombre limité de patients et une causalité pas encore établie avec certitude. Ils appellent à poursuivre les investigations. Ce qui fait dire au Dr Schnabl : « Avec des résultats aussi efficaces chez la souris, nous avons envie de tester l'amphotéricine B chez les patients avec une hépatopathie alcoolique, une population qui a un besoin urgent de nouveaux traitements. »
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