PAR LE Pr DANIEL THOMAS*
CHEZ le coronarien, le sevrage est encore plus urgent et le bénéfice majeur avec, après un IDM, une réduction des décès de 35 à 50 % et en particulier des décès par trouble du rythme. Après pontage ou angioplastie coronaire, le sevrage réduit aussi le nombre d’événements. Mais au décours d’un événement coronaire, le sevrage s’est « imposé » au fumeur. L’arrêt initial, apparemment « facile », ne préjuge pas d’une abstinence durable. Dans l’enquête EUROASPIRE, pour la France, 25 % des patients refument six mois après un IDM ou une revascularisation.
Prise en charge insuffisante du coronarien fumeur.
Une enquête montre que les cardiologues français proposent insuffisamment la substitution nicotinique. Ils invoquent avant tout que ce n’est pas leur rôle ou que le patient n’est pas motivé, mais aussi la méconnaissance des modalités de prescription, le sentiment d’un manque d’efficacité ou le caractère instable de la maladie coronaire. Or, depuis 2003, les recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) précisent que « les substituts nicotiniques sont bien tolérés […] recommandés chez les patients coronariens fumeurs et peuvent être prescrits dès la sortie de l’unité de soins intensifs au décours immédiat d’un IDM ». Il convient donc d’être particulièrement attentif au sevrage effectif des patients coronariens et de les accompagner plus concrètement dans cette démarche.
L’exposition à la fumée « passive » augmente aussi le risque d’IDM. Selon l’étude Interheart, le risque relatif de survenue d’un IDM est de 1,24 pour des sujets exposés de 1 à 7 heures par semaine et de 1,62 pour des sujets exposés plus de 22 heures par semaine, soit pratiquement équivalent à celui de fumeurs de 1 à 9 cigarettes/jour. Il faut donc conseiller aux patients coronariens d’éviter toute exposition au tabagisme passif, en particulier dans l’environnement immédiat « familial », la question des lieux publics étant déjà prise en compte par le décret d’interdiction de fumer appliqué de façon complète depuis janvier 2008.
Le bénéfice cardiovasculaire réel.
Mais quel est le bénéfice cardiovasculaire réel à attendre de ce décret ?
Deux métaanalyses de 2009 (1, 2) évaluant l’impact des interdictions de fumer dans les lieux publics, mises en place aux États-Unis et en Europe depuis 2002 ont montré une diminution du risque de survenue d’un IDM de, respectivement, 17 % (IC 95 % ; 8 %-25 %) et de 19 % (IC 95 % ; 15 %-22 %). Une autre métaanalyse écossaise plus récente l’estime plutôt autour de 10 % (IC 95 % ; 6 %-14 %) (3).
En France, l’étude EVINCOR (Évaluation de l’impact de l’INterdiction de fumer sur les syndromes CORonaires aigus (SCA)) (4) montre une diminution relativement régulière du nombre d’hospitalisations pour SCA sur l’ensemble de la période entre 2003 et 2009 avec une tendance linéaire significative (p < 0,01), mais cette diminution n’est pas plus marquée après février 2007 ni après janvier 2008, dates des deux phases d’application du décret. Cette absence d’effet significatif doit être interprétée en tenant compte de cette forte tendance à une baisse continue d’incidence des infarctus bien antérieurement à l’application du décret, mais surtout d’une moindre exposition antérieure au tabagisme passif, liée à l’application préalable de la loi Evin depuis 1992. Le bénéfice serait, en effet, d’autant moins visible que les régions ou pays étudiés avaient déjà antérieurement pris des mesures partielles et effectives d’interdiction de fumer. C’est le cas, en particulier pour les données anglaises récemment publiées (5) ainsi que dans l’étude réalisée dans l’état du Massachusetts (6) où la mortalité par IDM a diminué de 7,4 % dans l’ensemble de l’état après application d’une interdiction de fumer, mais avec une baisse de 9,2 % dans les localités qui n’avaient pas adopté de mesures d’interdiction partielle antérieurement et une baisse par contre non significative lorsque de telles mesures préexistaient.
Ainsi, l’ensemble des données actuellement rassemblées sur les effets de l’interdiction de fumer dans les lieux publics permet de considérer qu’il s’agit d’une avancée majeure en termes de santé publique.
* Institut de Cardiologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
(1) Meyers DG, Neuberger JS, He J. J Am Coll Cardiol 2009 ; 54:1249-55.
(2) Lightwood JM, Glantz SA. Circulation 2009 ; 120:1373-9.
(3) Mackay D F, Irfan M O, Haw S, et al. Heart 2010 96: 1525-1530
(4) Thomas D, Séguret F, Cambou JP et al. Bull Epidemiol Hebd 2010 ; N°19-20: 221
(5) Sims M, Maxwell R, Bauld Let al. BMJ 2010 ; 340:c2161
(6)Dove MS, Dockery DW, Mittleman MA et al. Am J Public Health. Published online ahead of print September 23, 2010: e1–e7. doi:10.2105/AJPH.2009.189662
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