LES DEUX facteurs de risque principaux du tabagisme sont génétiques (héritabilité à 75 %) et l’existence d’une maladie mentale (association à un tabagisme dans 50 à 80 % des cas). Récemment un allèle de risque de la dépendance tabagique a été repéré au niveau des sous-unités α5, α3 et ß4 du récepteur nicotinique de l’acétylcholine (nAChR), sur le chromosome 15q. Mais on ignorait encore par quel mécanisme neurobiologique s’explique cette association.
Sachant que l’expression corticale de la sous-unité α5 s’observe principalement au niveau du cortex cingulé, des Américains de l’Université du Maryland (L. Elliot Hong, E.A. Stein et coll.) ont employé une méthode d’IRM fonctionnelle du parenchyme cérébrale, la resting-state functional connectivity (rsFC), pour explorer le rôle potentiel du circuit cingulé antérieur dorsal (dACC) dans la relation entre la sous-unité α5 et l’addiction à la nicotine. La rsFC est une approche qui permet de mesurer la synchronisation des fluctuations intrinsèques de basse fréquence au repos (c’est-à-dire en l’absence de taches) entre différentes régions cérébrales.
La réalisation d’une étude chez 184 sujets (dont 93 fumeurs) montre que l’allèle à risque Asn d’Asp398Asn, qui est un variant du gène α5, est associé, de manière significative, à une réduction des connexions fonctionnelles au repos, mesurées par la rsFC, entre le circuit dACC et huit autres régions cérébrales chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs. Un test d’évaluation de l’accoutumance nicotinique indique, par ailleurs, que la réduction de la connectivité rsFC du dACC est prédictive d’un degré d’accoutumance plus élevé chez les fumeurs.
Indépendant du statut de « fumeur ».
Mais l’équipe d’Elliot Stein montre également que cet effet génétique de l’allèle de risque Asn est indépendant du statut de « fumeur », ce qui souligne le caractère primaire de cet effet. Ainsi, bien que la force de connectivité rsFC du circuit dACC soit différente chez les fumeurs et chez les non-fumeurs, l’impact de l’allèle de risque Asn du gène α5 n’est pas secondaire au tabagisme en soi, ce qui en fait un biomarqueur potentiel.
Une étude de confirmation souligne, en outre, la spécificité de l’association entre le circuit dACC-striatum ventral/amygdale étendue et l’addiction nicotinique. Il est intéressant de noter que le polymorphisme 398Asn n’était pas sur-représenté chez les patients atteints de troubles psychiatriques au sein de la cohorte étudiée. Ce travail infirme donc l’hypothèse d’un facteur génétique commun au tabagisme et aux maladies psychiatriques.
Ces nouvelles données, en mettant en évidence une relation entre le polymorphisme Asp398Asn du gène de la sous-unité α5 du récepteur nicotinique de l’acétylcholine et les fonctions du circuit cingulé antérieur dorsal, apportent un éclairage sur les fondements génétiques de l’accoutumance au tabac. L’existence d’une synchronisation intrinsèque affaiblie au niveau de ce circuit du cortex préfrontal pourrait, selon les travaux des Américains, prédisposer de manière spécifique au tabagisme, mais aussi prédire la sévérité de l’addiction chez les individus qui fument. Les auteurs estiment que ce circuit cérébral pourrait expliquer de 10 à 12 % de la variance du comportement d’accoutumance au tabac, soit trois à quatre fois plus que le gène lui-même.
Proc Natl Acad Sci USA (2010), publié en ligne
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