DE NOMBREUSES biothérapies font maintenant partie de l’arsenal thérapeutique du rhumatologue dans le traitement des rhumatismes inflammatoires et elles devraient bientôt s’imposer dans la prise en charge de l’ostéoporose. « Elles visent en premier lieu à réduire l’inflammation ou à stopper la dégradation osseuse, mais les grandes études réalisées dans la polyarthrite rhumatoïde avec l’anti-IL-6 et l’anti-IL-1, notamment, ont suggéré une action antalgique directe de ces médicaments », rappelle le Pr Perrot. À côté de ces biothérapies anti-inflammatoires ayant une action antalgique, de médicaments de ce type devraient être proposés dans des douleurs chroniques mal soulagées et trop souvent considérées sous un prisme psychosocial. Ainsi, les anti-NGF pourraient bien « révolutionner » le traitement des douleurs arthrosiques et des lombalgies chroniques, si les résultats, en termes d’efficacité, mais aussi de tolérance, des nombreuses études cliniques en cours sur plusieurs de ces molécules, se confirment.
« Les mécanismes de la douleur sont très complexes, souligne le Pr Perrot, impliquant le système nerveux périphérique et le système nerveux central ». Le nerve growth factor qui est un médiateur de l’inflammation et de la douleur neuropathique apparaît comme une cible thérapeutique particulièrement intéressante. Il module la synthèse et l’expression des neuromédiateurs impliqués dans la douleur, la substance P (SP) et le calcitonine gene related peptide (CGRP). Le NGF a été initialement identifié comme facteur trophique des neurones sympathiques et sensoriels, puis des travaux récents ont mis en évidence des taux élevés de NGF dans un grand nombre de pathologies chroniques et aiguës inflammatoires. Des études chez l’animal ont montré que le blocage du NGF diminue l’hyperalgésie des pathologies inflammatoires. Chez l’homme, des anticorps monoclonaux humanisés anti-NGF, dirigés contre le récepteur TrkA1 ( tyrosine kinase receptor de type 1) ou contre le récepteur soluble TrkAd5, ont confirmé leur action antalgique dans différents modèles de douleur : arthrose, douleur osseuse, mais aussi cystalgie ou brûlure.
Plusieurs anti-NGF en développement.
Le plus avancé actuellement est le tanezumab des laboratoires Pfizer, qui a fait la preuve de son efficacité dans la douleur de l’arthrose (Schnitzer T et al. Abstract PT214, Congrès mondial de la douleur, Glasgow, 2008) et dans la lombalgie (Katz N et al. Abstract 227, American Pain Society 28 th annual meeting, San Diego, 2009). Administré en une injection intraveineuse de 200 µg/kg toutes les 8 à 12 semaines, le tanezumab améliore la douleur de l’arthrose des membres inférieurs et de la lombalgie chronique. Son efficacité est comparable à celle des anti-inflammatoires non stéroidiens administrés quotidiennement sans les effets indésirables potentiels qu’on leur connaît.
Les nouvelles recommandations de Limoges.
Autre avancée 2010 pour les patients souffrant de douleurs rhumatismales chroniques, la reconnaissance de la place des opioïdes dans les douleurs non cancéreuses rhumatologiques. « En 1999, les recommandations de Limoges avaient entériné l’utilisation des morphiniques en rhumatologie, mais il s’agissait d’avis d’experts, explique le Pr Perrot. Aujourd’hui, nous disposons d’une importante littérature permettant de préciser les indications des différentes molécules (morphine, fentanyl, oxycodone, hydromorphone...) dans différentes pathologies ostéo-articulaires. D’où la mise à jour des recommandations de Limoges, qui est en cours de publication ». Dans ce domaine, un nouvel opioïde, à la fois noradrénargique et mu, le tapentadol, a reçu une autorisation européenne de mise sur le marché et devrait être commercialisé prochainement par les laboratoires Grünenthal et Janssen.
Les antidépresseurs : futurs traitements de fond de la douleur en rhumatologie ?
Toujours dans l’arthrose et la lombalgie chronique, une étude récente suscite un grand intérêt. Elle a montré l’efficacité antalgique d’un antidépresseur, la duloxétine, qui aurait une efficacité antalgique propre en plus de ses effets psychotropes, comparable à celle d’AINS au long cours.
« Pour le rhumatologue, l’arrivée de ces nouvelles classes thérapeutiques marque un véritable tournant, mais aussi de nouvelles conceptions (traitement symptomatique ou traitement de fond ?) dans la prise en charge de douleurs chroniques contre lesquelles on était relativement démunis », conclut le Pr Perrot.
D’après un entretien avec le Pr Serge Perrot, hôtel-Dieu, Paris.
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