Par le Dr IVAN BERLIN*
DES TRAVAUX débutés dans les années 1990 au CHU Pitié-Salpêtrière ont établi que les monoamines oxydases (MAO) sont inhibées chez les fumeurs. Cette inhibition est présente en périphérie, mais aussi dans différents organes des fumeurs comme les poumons, les reins ou la rate. Des études d’imageries cérébrales montrent sans équivoque l’inhibition des MAO atteignant une réduction d’activité de 50 à 60 %.
Les MAO sont des enzymes philogénétiquement anciennes dont le rôle est la protection de l’homéostasie de l’organisme. Elles existent en deux isoformes (MAO A et B). Les MAO sont abondantes dans les organes en relation directe avec l’environnement comme les poumons, le tractus gastro-intestinal ou le foie (par le système porte). Leur fonction principale est le catabolisme des monoamines d’origine exogène (tyramine), mais aussi endogènes (noradrénaline, dopamine, sérotonine). Leur inhibition par différentes substances exogènes ou pharmaceutiques (les antidépresseurs inhibiteurs de la monoamine oxydase) entraîne l’augmentation des monoamines dont le rôle est majeur dans le système nerveux central (par exemple : régulation de l’humeur).
Des inhibiteurs de MAO dans les feuilles de tabac.
Les feuilles de tabac contiennent des substances inhibant les MAO et des substances inhibitrices MAO A ou MAO B ont été identifiées dans la fumée du tabac. Après inhalation de la fumée de la cigarette, leur concentration augmente dans le sang. La présence de substances inhibant les MAO n’est pas spécifique aux feuilles de tabac ou au tabac manufacturé. Il existe d’autres exemples de plantes qui contiennent une substance psychoactive et une substance inhibant les MAO. L’inhibition des MAO augmente considérablement la biodisponibilité de la substance psychoactive, de type monoamine, en inhibant son catabolisme.
Nicotine + inhibiteurs de MAO.
Le tabagisme peut donc être mieux expliqué par la présence simultanée de nicotine et des substances inhibant les MAO. L’effet pharmacologique principal de la nicotine est la libération de la dopamine, de la noradrénaline et de la sérotonine, des monoamines dont les fonctions dans le système nerveux central sont relativement bien établies : circuit de récompense ou renforcement (dopamine), éveil (noradrénaline), régulation de l’humeur (noradrénaline, sérotonine, dopamine).
La présence d’un inhibiteur des MAO augmente la biodisponibilité de ces monoamines, potentialisant ainsi l’effet de la nicotine et la rendant fortement addictogène. C’est pour cela, il est préférable de parler de « dépendance au tabac » que de « dépendance à la nicotine ». De plus, des substances inhibitrices des MAO pouvant potentialiser l’effet de la nicotine, des polymorphismes génétiques du gène codant pour la MAO A ont été identifiés chez les fumeurs. Dans différentes populations (Chinois, Japonais, Européens), on retrouve la relation entre le tabagisme et le polymorphisme génétique de la MAO A. En fonction des variants du gène, il y a une plus grande consommation de tabac, une probabilité inférieure d’arrêter de fumer, et un plus grand risque de développer une dépendance tabagique.
* Pharmacologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
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