Entre la Suisse et la France, une guerre fait rage*. Motif de la discorde : l’absinthe. Les producteurs du Val-de-Travers, dans le canton de Neuchâtel, ont déposé auprès de l’Office fédéral de l’agriculture une demande d’indication géographique protégée afin d’être les seuls à pouvoir utiliser la dénomination « absinthe », ainsi que celles, évocatrices, de « fée verte » et « bleue ». La Fédération française des spiritueux contre-attaque ce vendredi avec un recours auprès des autorités suisses.
Si la première distillerie a été ouverte en Suisse, à Couvet, en 1797, par Daniel- Henri Dubied, qui tenait la recette – peut-être inventée par le médecin français Pierre Ordinaire – d’une rebouteuse, et son gendre Henri-Louis Pernod, ce dernier n’a pas tardé à ouvrir sa propre entreprise, à Pontarlier, en 1805. Et la légende de la fée verte doit beaucoup aux artistes français du XIXe siècle, qu’ils en aient ou non abusé.
L’histoire de l’absinthe suit en fait le même cours dans les deux pays, même si notre voisin alpin semble toujours avoir un coup d’avance. Il interdit « la boisson qui rend fou » le 7 octobre 1910, cinq ans avant la France (le 16 mars 1915), où la pression des ligues antialcooliques et des médecins, notamment, s’exerçait depuis plusieurs décennies. L’absinthe est à nouveau autorisée en Suisse le 1er mars 2005 tandis que la production française reprend en 1999, mais seulement sous l’appellation « boisson spiritueuse à base de plantes d’absinthe ». Dans les deux pays, comme dans toute l’Europe, la teneur en thuyone (substance épileptogène et toxique à fortes doses) est limitée à 35 mg/l.
L’absinthe ne fait plus peur. Elle n’inspire plus les poètes mais les batailles commerciales.
* Pardon au lecteur qui nous reproche
notre vocabulaire trop souvent guerrier.
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