DE NOTRE CORRESPONDANT
TABAGISME ET DÉPENDANCE à l’alcool sont souvent associés. Aux États-Unis, plus de 60 % des fumeurs admettent apprécier les alcools forts ou les beuveries (binge drinking). La prévalence de l’addiction à la cigarette, de son côté, peut atteindre 88 à 96 % chez les adeptes de la consommation excessive d’alcool. Les deux dépendances semblent partager le même terrain génétique, mais on n’a pas encore réussi à élucider les mécanismes moléculaires sous-tendant cette comorbidité.
Les chercheurs américains ont observé, dans des travaux précédents, une réduction de l’auto-administration d’éthanol et une sensibilité accrue à l’aversion à l’alcool chez les souris privées du gène de la PKC epsilon (PKCe-/-). Ils ont voulu savoir si cette protéine était également impliquée dans l’addiction à la nicotine en soumettant, sur une période de quatre semaines, des souris PKCe-/- et des souris sauvages à un test classique, le paradigme dit des deux bouteilles en libre choix : l’une des bouteilles contient 15 µg/mL de nicotine, l’autre de l’eau. Les souris sauvages accroissent régulièrement leur consommation de nicotine de 26 % au terme de l’expérience, alors que les souris PKCe-/- maintiennent une ingestion constante et, surtout, ont une préférence moins marquée pour le toxique que les rongeurs normaux.
Ils ont ensuite utilisé une autre épreuve pour tester la satisfaction procurée par la nicotine : l’administration de la nicotine et d’une solution saline est couplée à deux « contextes » distincts. Les souris sauvages manifestent une préférence pour les chambres couplées à l’administration de 0,05 et 0,5 mg/kg de nicotine, à l’inverse des souris PKCe-/- chez qui on n’observe aucune préférence significative, quelle que soit la dose de nicotine.
Sous-unités alpha6 et bêta3.
Les Californiens ont alors mesuré, en PCR quantitative, l’ARNm des sous-unités les plus courantes des récepteurs nicotiniques (nAChR, nicotinic acetyl-choline receptors) hétéromériques. Il existe, chez les souris PKCe-/-, une réduction significative de 26-28 % des ARNm des sous-unités alpha6 et bêta3 dans le striatum et de 22 % dans le striatum et le cerveau moyen ventral, par rapport aux animaux contrôles. Cette réduction des sous-unités alpha6 et bêta3 est associée à un déficit fonctionnel de la modulation cholinergique de la libération de dopamine au niveau du noyau accumbens.
Le blocage de la protéine kinase C epsilon s’oppose donc aussi bien à la consommation de nicotine qu’à celle de l’éthanol chez la souris. C’est la première constatation des chercheurs américains. La seconde est qu’il existe une régulation négative de la sous-unité alpha6 des récepteurs nicotiniques au niveau du noyau accumbens (formation importante du circuit de la récompense) des souris invalidées pour cette enzyme. En raison de l’expression très localisée de la sous-unité alpha6 des nAChR au niveau des neurones dopaminergiques dont les terminaisons sont dans le noyau accumbens, les auteurs pensent qu’il existe un lien causal entre la réduction de cette sous-unité et le renforcement par la nicotine mise en évidence dans leur étude. Ce qui ouvre des perspectives : il pourrait être intéressant d’explorer la capacité des inhibiteurs de la PKC epsilon à limiter l’addiction nicotinique.
AM Lee & RO Messing. Protein kinase C epsilon modulates nicotine consumption and dopamine reward signals in the nucleus accumbens. Proc Ntl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne
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