ALORS QUE LA QUESTION du statut tabagique est couramment posée en consultation par les médecins, toutes spécialités confondues, le problème de la consommation d’alcool est trop souvent éludé ou sous-évalué, sans doute parce que les femmes ne boivent pas pour les mêmes raisons et dans le même contexte que les hommes. « Entre 20 et 79 ans, une femme sur dix déclare consommer de l’alcool tous les jours et 4 sur 10, toutes les semaines. Mais contrairement aux buveurs excessifs masculins qui sont plus nombreux dans les classes socioprofessionnelles défavorisées et qui, pour certains d’entre eux, « attaquent » l’alcool dès le matin au bar, les femmes concernées occupent volontiers des postes à responsabilités et boivent seules, le soir, pour noyer leur stress. De même, si le mariage est plutôt un facteur de protection pour l’homme, il n’en est rien chez la femme. En revanche, avoir eu d’autres membres touchés, a fortiori du côté maternel, est un facteur de risque. Voilà qui pose en parallèle la question de la pression énorme à laquelle est soumis le sexe féminin : plus de difficultés pour être reconnue à sa juste valeur sur le plan professionnel, plus de pression sociale par rapport à l’esthétique et une répartition toujours aussi inégale des taches ménagères, cela fait beaucoup ! » s’insurge le Dr Bouvet de la Maisonneuve.
Des malades très motivées.
Autant de raisons, pour prendre quelques secondes lors d’une consultation, pour demander : « buvez-vous de l’alcool - vin compris - et à quelle fréquence ? ». Car l’expérience montre que beaucoup de patientes n’attendent que cela, pour oser enfin aborder la question. « De même, il est grand temps qu’une femme amenée aux urgences par les pompiers pour ivresse ou tentative de suicide à l’alcool, bénéficie d’office d’une consultation pour parler de sa consommation. Or cela n’a vraiment rien de systématique ». Cela explique pourquoi elles sont aussi peu nombreuses à être prises en charge : seulement une femme concernée sur 4, a accès aux soins pour son problème d’alcool, alors que les risques encourus - cirrhose hépatique, hypertension artérielle, cardiomyopathie et hémorragies gastro-intestinales – sont majorés par rapport aux hommes, sans oublier les risques de fausses couches et de syndrome d’alcoolisation fœtale en cas de grossesse.
En contrepartie, les femmes dépendantes à l’alcool sont souvent très motivées pour se sevrer. Le refus d’être stigmatisée en raison de signes physiques inhérents à la consommation d’alcool (cernes, visage bouffi, prise de poids) et bien sûr, la peur de s’éloigner de ses enfants, de son conjoint, font que les femmes en situation de dépendance sont souvent très demandeuses d’une aide pour s’en sortir. « Et de fait, lorsque leur traitement est adapté, c’est-à-dire lorsque les comorbidités sont également prises en charge (autres addictions, troubles du comportement alimentaire, anxiété, dépression), elles ont plus de chances d’y arriver ».
Pour bien faire, il est recommandé de les voir de façon rapprochée au début (au moins une fois par semaine, avec une bonne disponibilité téléphonique). Elles ne sont pas à l’abri d’une récidive et si cela se produit, il est essentiel de les déculpabiliser. « Leur expliquer qu’elles ont une maladie chronique qui peut être jalonnée de rechutes et que ce n’est pas grave, sont des mots clés qui peuvent vraiment aider ces femmes à reprendre le dessus » conclut le Dr Bouvet de la Maisonneuve.
D’après un entretien avec le Dr Fatma Bouvet de la Maisonneuve, médecin psychiatre à la consultation d’alcoologie pour femmes, Cantre hospitalier Sainte-Anne, Paris, et auteur de « Les femmes face à l’alcool, résister et s’en sortir », éd. Odile Jacob (mai 2010).
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