LES TRAVAUX consacrés aux conséquences de l’exposition prénatale à l’alcool datent de la fin des années 1960. Cependant, la nécessité de mettre en uvre une politique de prévention contre les dangers de la consommation d’alcool pendant la grossesse n’a émergé en France qu’en 2004 quand 4 femmes ayant donné naissance à un enfant porteur du syndrome d’alcoolisation ftale (SAF) à Roubaix, ont accusé le gouvernement de ne pas les avoir informées des dangers potentiels de cette consommation. L’amendement Payet intégré à la loi du 11 février 2005 relative aux droits des personnes handicapées (arrêté du 2 octobre 2006), a imposé l’apposition d’un message sanitaire à l’attention des femmes enceintes, sur les bouteilles de boissons alcoolisées. Cette disposition venait en complément de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique qui, en vertu du principe de précaution, recommande l’abstinence totale pendant la grossesse et prévoit l’information des professionnels de santé (gynécologues, sages-femmes et PMI) de même que leur formation aux effets de l’alcool sur le ftus.
Peur de la stigmatisation.
« En dépit l’étiquetage et des campagnes de prévention, de nombreuses femmes enceintes continuent à consommer de l’alcool pendant la grossesse », souligne Stéphanie Toutain, auteur d’une étude dans le « BEH ». L’objectif de cette étude, originale par sa méthode, était de comprendre comment les femmes se représentent les risques de la consommation d’alcool pendant la grossesse et la façon dont elles perçoivent les messages qui leur sont destinés. Pour ce faire, l’auteur a analysé le contenu des discussions de 42 femmes enceintes à différents termes de leur grossesse sur 3 forums de discussion internet (atoute.org, auféminin.com et famili.fr). Malgré ses inconvénients (risque d’erreurs et de mensonges sur le profil de l’internaute), cette approche qualitative qui assurait un minimum d’anonymat, permettait d’éviter les prises de position conventionnelle face à un enquêteur. En effet, un des écueils de ce type d’études tient à l’image de « mauvaises mères » attribuée aux mères qui boivent pendant leur grossesse et à leur peur d’être stigmatisée par les professionnels de santé. « Cette stigmatisation les incite fortement à une sous-déclaration de leur consommation, afin d’éviter les sanctions sociales comme le retrait de la garde de leur enfant », explique l’auteure de l’étude.
L’analyse montre que la recommandation « Zéro alcool », évoquée par 80 % des internautes, est mal comprise, sauf pour celles qui exercent une profession médicale ou qui se déclarent abstinentes. N’étant pas perçue comme absolue, les femmes l’adaptent en fonction de leurs propres intérêts (bien-être ou plaisir) et à l’expérience positive de leur propre mère. Cette dernière, avec son récit d’expérience, semble d’ailleurs la personne dont l’opinion a le plus de poids ( « Ma mère a continué à boire 2 verres par jour toute sa grossesse, et nous sommes normales », explique par exemple Erika, 25 ans, assistante de direction). En revanche, les informations reçues par les professionnels de santé au cours des visites prénatales sont très peu présentes dans le discours des femmes qui voient leurs gynécologues comme des sources d’information contradictoires ( « y en a pas un qui dit la même chose ... »). Quant aux conséquences sur le ftus, très peu d’entre elles sont capables de les nommer. En particulier, elles méconnaissent le SAF.
Une étude sur la faisabilité de la surveillance de ce syndrome, la première réalisée en France à grande échelle, a identifié, en deux ans, 12 enfants atteints de SAF confirmés après un suivi de neuf mois, tous inclus en Alsace et dans le Rhône. Ces résultats extrapolés à l’ensemble de la France, permettent d’estimer à près de 600, le nombre d’enfants qui naîtraient chaque année atteint d’une forme sévère de SAF.
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