La présidente de l'Alliance contre le tabac et députée de Gironde Michèle Delaunay demande à la ministre de l'Éducation nationale de revoir sa copie et de réécrire plus clairement la circulaire du 25 novembre 2015. Envoyée notamment aux recteurs d'académies et aux proviseurs à la suite de l'instauration de l'état d'urgence, elle stipule qu'« en lycée, des zones spécifiques peuvent être aménagées au sein des établissements scolaires dans les espaces de plein air pour éviter que les élèves ne sortent pendant les interclasses ».
« La formulation est ambiguë », commente Michèle Delaunay, cancérologue. Des proviseurs l'ont ainsi interprétée comme un blanc-seing pour instaurer des espaces fumoirs dans l'enceinte du lycée. Cela concernerait près de la moitié des établissements parisiens, un peu moins en province, selon le Pr Jean-Louis Touraine, député du Rhône et co-signataire avec une cinquantaine de députés d'un courrier à Najat Vallaud-Belkacem.
« Double violation de la loi Évin et du code de santé publique qui interdit de fumer dans les lieux publics, en particulier les établissements scolaires ! », dénonce Michèle Delaunay. En outre, cette brèche va à l'encontre de l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs et du programme national de réduction du tabagisme (PNRT). Elle contribue enfin à banaliser la cigarette.
La justice à la rescousse de la Santé publique
Le 21 avril dernier, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par les associations Droits des non-fumeurs (DNF) et le Comité national contre le tabagisme (CNCT) a jugé en référé illégale la mise en place des zones fumeurs dans les lycées. Deux autres jugements parisiens sont attendus en mai.
« Nous avons reçu en mars des centaines de plaintes de parents d'élèves. L'enjeu pour nous n'est pas tant la sanction, que, grâce à ce jugement, de montrer l'exemple et d'envoyer un signal fort aux proviseurs », explique le président de DNF Gérard Audureau.
Recul sur la prévention
L'Alliance contre le tabac s'inquiète d'un recul sur la prévention et des entorses répétées à la loi Évin malgré la loi de modernisation de notre système de santé. Leur nouveau partenaire, la Mutualité française, par la voix du Dr Jean-Martin Cohen-Solal, dénonce une « perte de vigilance sur la santé publique ». « Les pouvoirs publics doivent montrer l'exemple : la sécurité est une priorité, certes, la santé publique, aussi. Le plus simple est de ne pas fumer dans les établissements scolaires », a-t-il déclaré.
Le fait même que des proviseurs aient pu interpréter cette circulaire dans le sens d'une autorisation des fumoirs dans les lycées révèle la banalisation rampante du tabac, s'alarme encore l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), qui vient de rejoindre l'Alliance contre le tabac. « Le tabac devient un combat d'opinion. On nous appelle les anti-tabac (comme s'il y avait eu des "anti-vache folle" !) alors qu'il s'agit d'un combat de santé publique », corrobore le Dr Dominique Bacri, de la Fondation du souffle.
« Les médecins ont un rôle à jouer, car les Français leur font confiance, davantage qu'aux politiques. Il faut que les messages sanitaires passent par eux ; les professionnels de santé doivent expliquer aux responsables des établissements que la lutte contre le tabac est un combat majeur ! », exhorte le Pr Jean-Louis Touraine.
Dernière venue dans l'Alliance, la Croix-Rouge espère toucher, grâce à son réseau, les populations les plus défavorisées.
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