L’omalizumab, un anticorps monoclonal anti-IgE, serait efficace pour prévenir les réactions allergiques alimentaires. Il permettrait de consommer de petites quantités d’aliments allergènes et de réduire le risque d’anaphylaxie après une exposition accidentelle. Commercialisé sous le nom de Xolair (Novartis Pharma), le traitement, déjà utilisé dans l'asthme allergique et l'urticaire spontanée chronique, a été autorisé dans cette nouvelle indication dès l’âge d’un an par l’Agence américaine du médicament (FDA) le 16 février. Cette autorisation s’appuie sur les résultats de l’essai OutMatch, publiés le 25 février dans le New England Journal of Medicine.
« Les patients touchés par des allergies alimentaires sont quotidiennement menacés de réactions potentiellement mortelles dues à des expositions accidentelles. L’étude a montré que l’omalizumab peut constituer une couche de protection contre ces petites expositions », explique le Pr Robert Wood, de la faculté de médecine de l'université Johns Hopkins, premier auteur de l’étude menée par une équipe de la Stanford School of Medicine.
Une protection contre plusieurs allergènes
Les participants étaient principalement des enfants et adolescents âgés de 1 à 17 ans (38 % de 1 à 5 ans, 37 % entre 6 et 11 ans et 24 % de 12 ans ou plus), l’essai ne comptant que trois adultes âgés de 18 à 55 ans. Tous étaient allergiques aux arachides et à au moins deux autres aliments spécifiés dans l'essai (noix de cajou, lait, œuf, noix, blé et noisette). « L'inclusion nécessitait une réaction à une dose de 100 mg ou moins de protéines d'arachide et de 300 mg ou moins de deux autres aliments », est-il précisé. Parmi les participants, 118 ont reçu l'omalizumab par voie sous-cutanée (avec une dose basée sur le poids et les niveaux d'IgE) toutes les deux à quatre semaines pendant 16 à 20 semaines et 59 ont reçu un placebo.
Dans le groupe traité, 66,9 % des sujets ont pu consommer une dose de 600 mg ou plus de protéines d'arachide, équivalentes à 2,5 cacahuètes, sans réaction allergique modérée ou grave, contre moins de 6,8 % du groupe placebo. Des résultats similaires ont été observés avec des doses de 1 000 mg ou plus de protéines de noix de cajou (41 % contre 3 %), de lait (66 % contre 10 %) et d’œuf (68 % contre 0 %). Les critères de sécurité ne différaient pas entre les groupes, mis à part un plus grand nombre de réactions au site d'injection dans le groupe omalizumab, précisent les auteurs.
« Environ 80 % des patients prenant de l'omalizumab étaient capables de consommer de petites quantités d'au moins un aliment déclencheur d'allergie sans induire de réaction allergène, 69 % des patients pouvaient absorber jusqu’à deux aliments allergènes et 47 % trois », souligne un communiqué des Instituts américains de la santé (NIH), qui ont financé l’étude. Aussi, une partie des participants a toléré des quantités plus importantes : 67 % ont consommé une dose cumulée de 1 044 mg de protéines d’arachide, soit environ quatre cacahuètes, et 44 % une dose cumulée de 6 044 mg de protéines d’arachide, soit environ 25 cacahuètes.
Une alternative à l’immunothérapie orale
La prise en charge actuelle des allergies alimentaires repose sur l’immunothérapie orale (ingestion de petites doses progressivement croissantes d’allergènes pour développer la tolérance), un processus long notamment pour les personnes souffrant de plusieurs allergies alimentaires. « Il existe un réel besoin d'un traitement qui va au-delà de la vigilance et offre des choix à nos patients allergiques aux aliments », souligne la Dr Sharon Chinthrajah, principale auteure.
« Bien qu'il soit essentiel d'éviter les allergènes, les résultats montrent qu'un médicament peut aider à réduire le risque de réactions allergiques à des aliments courants et peut fournir une protection contre les situations d'urgence liées à une exposition accidentelle », complète la Dr Jeanne Marrazzo, directrice de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID). À noter que l'omalizumab n'est pas approuvé pour le traitement d'urgence des réactions allergiques, y compris l'anaphylaxie.
Vers un traitement unique des allergies ?
D’autres recherches sont nécessaires, insistent les auteurs. « Nous avons beaucoup de questions sans réponse : combien de temps les patients doivent-ils prendre ce médicament ? Avons-nous modifié définitivement le système immunitaire ? Quels facteurs prédisent les personnes qui auront la réponse la plus forte ? », indique la Dr Chinthrajah. L'équipe prévoit déjà des études sur le type de surveillance nécessaire pour déterminer quand un patient acquiert une tolérance significative à un aliment déclencheur. Les 60 premiers participants (dont 59 enfants ou adolescents) ayant terminé la première étape de l’essai OutMatch ont été inscrits dans une prolongation ouverte de 24 semaines.
Malgré les inconnues, les chercheurs rêvent déjà d’un traitement unique des affections allergiques : alimentaires, mais aussi l'asthme, la rhinite allergique ou l'eczéma. « Un régime médicamenteux facile à mettre en œuvre dans un cabinet médical », qui « pourrait améliorer toutes leurs allergies » est « exactement ce que nous espérons », conclut la Dr Chinthrajah.
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