Selon une méta-analyse publiée dans le « Lancet », la désensibilisation de l'allergie à la cacahuète par l'immunothérapie orale, telle qu'elle est pratiquée actuellement est associée à une multiplication par 3 du risque de choc anaphylactique et à un doublement de la consommation d'épinéphrine, en comparaison à une stratégie d'évitement ou à l'utilisation d'un placebo (pas d'immunothérapie orale).
Selon l'équipe d'auteurs canadiens, américains et italiens dirigés par le Dr Derek Chu, de l'université McMaster, ces résultats constituent « des données probantes » prouvant que « les régimes d'immunothérapie orale disponibles augmentent considérablement le risque allergique et de réaction anaphylactique en comparaison à une stratégie d'évitement ou à un placebo (pas d'immunothérapie orale) ».
Une conclusion jugée « contre-productive » par la Pr Jocelyne Just, cheffe du service d'allergologie de l'hôpital Trousseau. Pour ce membre du comité scientifique de la Société française d'allergologie, une réponse aussi tranchée ne reflète en effet pas la complexité de la réflexion en cours autour des stratégies de désensibilisation.
Des situations très hétérogènes
Dans leur méta-analyse, les auteurs du « Lancet », ont rassemblé 12 études, soit un peu plus de 1 000 patients, d'un âge médian de 8,7 ans et avec un suivi médian d'un an. La dose de départ médiane était de 0,5 mg, et la dose cible médiane de 2 000 mg, pour une durée médiane de désensibilisation est de 31 semaines.
On observe toutefois de fortes disparités entre les études, avec des doses finales comprises entre 300 et 5 000 mg et des durées de traitement allant jusqu'à 50 semaines. Les patients sous immunothérapie orale ont un risque de choc anaphylactique multiplié par 2,44 si la dose cible est inférieure à 300 mg et par 4,67 si elle est supérieure à 300 mg. Par ailleurs, quand ils étaient disponibles, les scores de qualité de vie n'étaient pas significativement différents entre les 2 groupes.
Dans leurs conclusions, les auteurs rappellent que le principal critère généralement retenu pour juger de l'intérêt d'une désensibilisation est la capacité du patient à absorber une petite quantité de cacahuète lors d'un repas supervisé.
« Il y a une déconnexion entre les résultats de ces tests de provocation et ceux du suivi à long terme de patients soumis à une exposition environnementale », affirment-ils. Les auteurs ne remettent pas en question l'immunothérapie orale en elle-même. Ils estiment en revanche que leurs travaux démontrent le manque de fiabilité des seuils employés lors des tests de provocations et leur incapacité à prédire les profils évolutifs des patients.
À long terme, un risque d'abaissement du seuil
Si elle reconnaît que l'immunothérapie orale peut être associée à une augmentation du risque anaphylactique à court terme, la Pr Just rappelle que « dans la pratique clinique, les patients maintenus dans une stratégie d'évitement voient leur seuil de réactivité s'abaisser. Des enfants qui réagissent après avoir mangé un demi-Curly à l'âge de 4 ans, peuvent faire un choc anaphylactique à l'ouverture d'un paquet de cacahuètes des années plus tard », cite-t-elle en exemple.
Pour la Pr Just, il existe de nombreuses incertitudes autour de la manière d'appliquer une stratégie de désensibilisation par immunothérapie orale. « Il n'existe pas encore de recommandations en la matière, explique-t-elle. Il y a toute une réflexion qui se monte en moment : Qui faut-il désensibiliser ? À quelles doses ? À quel âge ? Lors de l'étude MIRABEL, nous avions par exemple démontré que les patients chez qui les taux d'allergènes recombinant Ara h 2 sont les plus élevés sont ceux dont les seuils de réactivité sont les plus bas. Il y a aussi des études en cours sur la dégranulation en présence d'arachide qui pourrait aider au développement de nouveaux marqueurs. »
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