Les allergies alimentaires sont en augmentation et responsables d'une morbimortalité importante. Leur prise en charge se fonde actuellement essentiellement sur l'éviction des aliments, avec un risque potentiel de réaction en cas d'exposition accidentelle et au prix d'une altération de la qualité de vie. De nouvelles stratégies doivent donc être développées, telles que l'induction de tolérance alimentaire aux faibles doses. « Des arguments immunologiques et épidémiologiques plaident en faveur de cette stratégie d'immunothérapie orale, mais pour l'instant les données cliniques sont encore parcellaires, a souligné le Dr Cyrille Hoarau, allergologue au CHRU de Tours. L'une des difficultés tient à l'absence même de définition précise des faibles doses et de la variabilité des critères de jugement – entre guérison, réduction des accidents et/ou de leur sévérité ou encore possibilité de consommer une certaine quantité d'aliment ».
Dans une étude non contrôlée réalisée par une équipe japonaise, qui avait inclus 26 patients qui venaient de faire une réaction anaphylactique au lait, à l'œuf, au blé ou à l'arachide, le protocole de désensibilisation à faible dose a été efficace chez tous les patients allergiques à l'arachide, mais ses résultats ont été moins bons dans les autres types d'allergie (1).
Un autre travail de la même équipe a souligné l'intérêt d'une immunothérapie orale à faible dose chez des enfants ayant fait une réaction anaphylactique à l'œuf : après la prise continue pendant un an de 194 mg d'œuf cuit, 70 % des enfants toléraient 3 g d'œuf, versus 0 % dans le groupe contrôle (2).
Des résultats encourageants ont aussi été rapportés dans une étude randomisée ayant inclus 67 patients allergiques à l'arachide (3). Lors d'une deuxième épreuve après un an d'exposition à faible dose, 79 % des sujets étaient tolérants à 443 mg d'arachide, versus 19 % dans le groupe placebo. Pour une dose de 1 g, ces chiffres étaient respectivement de 62 % et 0 %. Dans une autre étude chez 62 enfants allergiques à l'arachide, la désensibilisation a permis d'induire une tolérance à une dose de 300 mg chez 74 % des patients contre 16 % dans le groupe placebo, et à une dose de 4,5 g chez 42 vs. 3 % des patients (4).
Des résultats positifs ont également été observés chez des enfants allergiques au blé, avec une induction de tolérance dans environ la moitié des cas après un an d'immunothérapie (5).
« Toutes ces études ont mis en évidence un effet de l'immunothérapie aux faibles doses sur les paramètres biologiques, avec notamment une réduction de l'IL13, de l'IL16 et une moindre activation des basophiles, a précisé le Dr Hoarau. Si l'on prend pour critère de jugement l'augmentation du seuil de réactivité ou l'autorisation d'une exposition à de faibles doses, permettant d'élargir les régimes (et non pas la guérison ou la consommation de fortes doses) l'immunothérapie aux faibles doses peut être considérée comme efficace. Mais des inconnues demeurent, en particulier la rémanence de l'effet et la durée de la protection ».
Communication du Dr Cyrille Hoarau, Tours, au 14
e Congrès francophone d’allergologie, Paris, 16-19 avril 2019
(1) Yanagida N et al. Allergol Int. 2016 Apr;65(2):135-40
(2) Yanagida N et al. Int Arch Allergy Immunol. 2016;171(3-4):265-8
(3) Bird JA et al. J Allergy Clin Immunol Pract. 2018 Mar - Apr;6(2):476-85
(4) Blumchen K et al. J Allergy Clin Immunol Pract. 2019 Feb;7(2):479-91
(5) Nowak-Wegrzyn A et al. J Allergy Clin Immunol. 2019 Feb;143(2):651-61
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