Recrudescence
Martine VIGAN justifie la réalisation d’un poster sur ce sujet par la constatation que cette idée reçue « d’allergie à l’iode » (avec de malencontreux conseils d’éviction inadaptés des poissons, des produits de contraste iodés et d’application de Bétadine) est en recrudescence depuis environ 5 ans. Dans l’hôpital où elle exerce, la question est posée dès le SAU. Cette question inadéquate entraîne alors angoisse et mesures d’éviction totalement inutiles pour un bon nombre de patients. Les motifs de consultation en service d’allergologie pour « allergie à l’iode » sont donc souvent infondés. De surcroît, une fois le diagnostic « d’allergie à l’iode » (non-sens médical) noté sur le dossier du patient, cette contre-indication le suit de service en service quel que soit le résultat de la prise en charge allergologique.
Allergie alimentaire aux poissons
L’allergie alimentaire IgE-dépendante aux poissons est liée fortement aux allergènes majeurs que sont les parvalbumines résistantes à la chaleur et à la digestion. On retrouve, chez les patients allergiques aux poissons, 90 % de positivité aux IgE-spécifiques de différents poissons. Il semble qu’in vitro, des réactions allergiques croisées seraient plus importantes entre le cabillaud, le saumon, le hareng, le loup de mer et peu importante avec le flétan, le carrelet, le thon et le maquereau. D’autres réactions croisées avec des espèces différentes sont également observées en particulier avec la viande de grenouille et le cabillaud. La gélatine de poisson, très utilisée en cuisine, est aussi parfois en cause. Elle est d’ailleurs présente dans le nouveau comprimé de lyophilisat de désensibilisation aux pollens de graminées. Cette gélatine peut déclencher chez certains patients allergiques aux poissons des réactions allergiques. Un cas d’anaphylaxie a en effet été décrit suite à l’ingestion de guimauve en contenant. Il s’agit donc d’une réaction d’ hypersensibilité immédiate avec fabrication d’anticorps IgE sans aucun rapport direct avec l’iode.
Les solutions antiseptiques iodées
Le pouvoir bactéricide de l’iode n’est plus à démontrer. Elle est utilisée dans ce but depuis la fin du XIXe siècle. Les principaux produits mis actuellement à disposition sont la povidone iodée, les solutions alcooliques type teinture d’iode, alcool iodé ou les solutions aqueuses comme la solution de Lugol ou de Tarnier. L’exploration allergologique repose sur la pratique de patchs tests. De très rares cas (6 cas documentés) décrivent une anaphylaxie avec un œdème périorbitaire ou facial, urticaire localisée ou généralisée, prurit, gêne respiratoire. La molécule responsable semble être la povidone. En cas d’allergie avérée à cet allergène, l’éviction des médicaments et des produits en contenant est conseillée mais il n’y a en aucun cas l’obligation de contre-indiquer un produit de contraste iodé ou la consommation de poisson.
Allergie aux produits de contrastes iodés
Même si l’allergie n’est pas liée à la présence d’iode, l’injection de produits de contraste iodés (PCI) peut entraîner chez certains patients l’apparition de réaction d’hypersensibilité immédiate ou retardée. Actuellement, les études épidémiologiques sont insuffisantes pour fixer avec précision la fréquence de ces réactions. En 1990, on estimait à 12 % les allergies aux PCI ioniques et à moins de 4 % les allergies aux PCI non ioniques. Une étude en cours (étude CIRTACI), devrait permettre d’apporter de nouveaux éléments de compréhension des réactions aux PCI. Une étude de l’INSERM en 1996 estimait à 1 600 cas par an avec 6 à 12 décès, le nombre de réactions graves induites par les produits de contraste iodés. Les grades de sévérité sont établis selon la classification de Ring et Messmer.
Les premiers PCI font leur apparition en 1950 et sont de natures monomériques avec un seul cycle benzénique sur lequel sont fixés trois atomes d’iode. Depuis, de nouvelles molécules ont été développées. Actuellement, plusieurs types sont commercialisés, les monomères, les dimères ioniques ou non ioniques. Les réactions sévères sont plutôt observées avec les PCI ioniques à haute osmolalité.
Les réactions d’hypersensibilité de type immédiat surviennent jusqu’à 60 minutes après injection alors que le délai s’allonge entre 60 minutes et 24 heures après l’injection pour les hypersensibilités retardées. Les réactions d’hypersensibilité non immunologique ont un délai d’apparition intermédiaire et peuvent être liées à une histaminolibération non spécifique. Seuls les tests cutanés et pour les réactions IgE-dépendante, le dosage d’histamine et de tryptase en cas de choc anaphylactique permettent de faire le diagnostic.
Modifier ses habitudes
Le Dr VIGAN réaffirme donc par le biais de ce poster que le terme allergie est souvent galvaudé. L’expression « allergie à l’iode » en est en exemple criant. Le recrutement des centres d’allergologie concernant cette hypothétique allergie à l’iode n’est pas toujours aussi pertinent que l’on pourrait s’y attendre. En effet, tant que cette idée reçue circulera, les indications de tests ne seront pas toujours posées à bon escient. Ce mythe véhiculé depuis de nombreuses années a des incidences sur l’inquiétude irraisonnée de certains patients mais également sur les radiologues se trouvant en présence de patients affirmant être allergiques à l’iode sans que ceux-ci puissent toujours en fournir la preuve. Il est donc souhaitable que les modalités de prise en charge des allergies au PCI soient mieux connues des professionnels de santé concernés, à l’instar de ce qui a été effectué avec les anesthésiques il y a plusieurs années.
D’après un entretien avec le Docteur Martine VIGAN, Service Dermato-allergologie CHU Besançon.
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