Si tu ne viens pas à l’allergologie, l’allergologie viendra à toi. Voilà, en résumé, ce qu’a vécu Sarah Saf quand, débutant en 2012 son internat de médecine générale à Montpellier, elle a cherché à se surspécialiser. « J’ai regardé la liste des Desc [Diplôme d’études spécialisées complémentaires, ndlr], et j’ai pris l’allergo parce que les autres ne m’attiraient pas spécialement », se souvient-elle aujourd’hui. Un choix qui s’est révélé le bon. « Plus j’en faisais, plus je me disais que c’était génial », se réjouit cette trentenaire. À tel point qu’elle est devenue l’une des ambassadrices les plus enthousiastes de la spécialité : elle a créé en 2016 l’Association des jeunes allergologues français (Ajaf), dont elle a quitté la présidence en 2020, et travaille actuellement au développement d’une unité d’allergologie au sein de l’hôpital d’Arpajon, dans l’Essonne.
« Il y a un vrai aspect enquête dans notre travail qui est passionnant, se félicite Sarah. On observe une réaction, et on doit chercher l’allergène qui est en cause. » Une caractéristique qui se double selon elle d’une belle dose de transversalité. « C’est généraliste tout en étant spécialisé, sourit la praticienne. On s’intéresse à un grand nombre d’organes, on fait du médicament, de la pédiatrie… » Et c’est justement vers la prise en charge des enfants qu’elle s’est d’abord orientée. « Quand j’ai fini mon Desc, je trouvais qu’il me manquait la valence pédiatrie et respiratoire, et je suis donc venue à l’hôpital Trousseau [grand établissement pédiatrique parisien, ndlr], pour compléter ma formation, raconte-t-elle. J’ai vraiment bien accroché avec l’équipe, je suis donc restée et j’ai même fait un master de statistiques là-bas. »
Après un séjour d’un an aux États-Unis, la jeune spécialiste prend un poste d’assistant partagé. « Je travaillais à Trousseau, et en parallèle je créais une unité d’allergologie au sein du service de pédiatrie de l’hôpital d’Arpajon, dans l’Essonne, détaille-t-elle. Aujourd’hui, je travaille principalement dans cette unité, qui doit devenir une unité transversale, mais je garde une journée à Trousseau. » Un équilibre qui semble satisfaire pleinement son appétit de connaissance, et sa soif de se rendre utile. « On est parfois devant des tableaux assez compliqués, c’est stimulant; et on voit bien que par ailleurs, les allergies sont de plus en plus fréquentes dans la population », constate Sarah.
Un travail d’évangélisation
Cette forte prévalence des allergies n’est d’ailleurs pas tout à fait sans désagréments, car la spécialité fait parfois face à des demandes de soins qui ne sont pas toujours appropriées. « Beaucoup de personnes, et même beaucoup de médecins, pensent que dès qu’il y a quelque chose qu’on n’explique pas trop, cela doit être allergique, déplore la Francilienne. Résultat : nous voyons certaines personnes qui pensent qu’elles sont allergiques parce qu’elles ne digèrent pas quelque chose, et en parallèle, il y a beaucoup de personnes allergiques que nous ne voyons pas, et qui restent inexplorées. »
Mais il en faudrait plus, et même beaucoup plus, pour décourager Sarah. « Je donne des formations autour de moi, avec les médecins, les infirmières, les puéricultrices, afin de les tenir au courant des dernières recommandations, indique-t-elle. Avec la société française d’allergologie, nous allons d’ailleurs travailler à des outils pratiques pour les patients et les collègues non allergologues, afin de rendre l’information plus accessible. » Un travail d’évangélisation nécessaire, mais pour lequel les bras viennent malheureusement à manquer.
« On n’a que 28 postes d’internes par an, alors que dans beaucoup de villes, les capacités de formation sont là », déplore Sarah. Même si elle juge que la réforme du 3e cycle des études médicales, qui a fait de l’allergologie une spécialité autonome, est positive car elle a permis « d’homogénéiser la formation », la jeune femme estime donc qu’il y a des progrès à faire. Et elle compte bien y participer, même si elle ne se destine pas à une carrière universitaire. « Les nouveaux statuts de PH permettent de faire de la recherche sans être universitaire, et je compte bien poursuivre mon engagement au sein des associations de la spécialité », indique-t-elle. Les allergènes n’ont qu’à bien se tenir.
Exergue : Avec seulement 28 postes d’internes par an, les bras viennent à manquer pour l'allergologie
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