L’allergie alimentaire était le fil rouge du dernier congrès francophone d’allergologie. L’occasion de revenir sur les nouvelles recommandations françaises sur l’anaphylaxie. Une feuille de route qui insiste sur l’utilisation précoce et de première intention de l’adrénaline et précise les spécificités étiologiques, diagnostiques et pronostiques des formes pédiatriques.
L’anaphylaxie étant une urgence vitale, il ne faut pas hésiter à utiliser l’adrénaline en première intention. Tel est l’un des grands messages des nouvelles recommandations françaises sur la « Prise en charge de l’anaphylaxie en médecine d’urgence » (1) présentées lors du 12e Congrès francophone d’allergologie (CFA, 25-28 avril 2017, Paris).
Aucune contre-indication
À l’instar des guidelines internationales, ces recos stipulent clairement que l’adrénaline est « le » traitement de l’anaphylaxie. « Le traitement principal repose sur son administration précoce par voie intramusculaire », insistent les auteurs. Et de souligner qu’il n’existe aucune contre-indication à son utilisation en cas d’anaphylaxie « y compris chez les patients âgés, en cas de grossesse, ou s’il existe une comorbidité cardio-vasculaire (CV) associée ». Même chose pour le nourrisson où le recours à l’adrénaline reste trop rare. Pour un enfant de moins de 7 kg, « je n’aurais aucune crainte à prescrire un stylo à 0,15 mg à un enfant à risque qui a déjà fait une anaphylaxie ou qui a un asthme non contrôlé », illustre le Dr Guillaume Pouessel (Roubaix), co-auteur des nouvelles recos.
Injection précoce
L’adrénaline précoce, par voie IM, permet de bloquer la cascade des médiateurs de l’anaphylaxie et d’éviter une aggravation secondaire. Une réponse clinique efficace est obtenue pour la majorité des patients après une à deux injections. L’administration doit être réalisée le plus tôt possible, plusieurs études rétrospectives analysant des anaphylaxies mortelles ayant montré qu’un défaut ou un retard d’utilisation était un facteur de risque de décès.
La voie IV reste, elle, du domaine des urgentistes en raison du risque de troubles du rythme cardiaque. « L’adrénaline n’a pas d’indication pour une réaction d’hypersensibilité sans atteinte respiratoire ni CV, par exemple une urticaire avec un angio-œdème de la face et une rhinorrhée », précisent les recos. En cas d’anaphylaxie sans signe cardio-respiratoire, mais avec des symptômes digestifs, « l’intérêt de son utilisation précoce est à évaluer, en fonction des antécédents allergiques, de l’importance et de l’évolutivité des symptômes ».
En parallèle, en fonction du contexte, le traitement repose sur l’éviction du facteur déclenchant, une position d’attente adaptée, une oxygénothérapie et, en
fonction des symptômes, un remplissage intraveineux, des aérosols de bronchodilatateur ou d’adrénaline.
La gravité du pronostic et le caractère imprévisible de l’évolution justifient une hospitalisation. La durée de surveillance en milieu hospitalier est de 6 heures au minimum après résolution de l’épisode. En cas d’atteinte respiratoire sévère ou CV la surveillance doit durer 12 à 24 heures
Pas de corticoïdes
Les corticoïdes et les antihistaminiques « ne constituent pas le traitement d’urgence », rappellent les recos. Or une étude montre « une sur-utilisation des corticoïdes proposés dans 90 % des cas alors qu’à l’inverse, seulement un tiers des stades III reçoit de l’adrénaline », indique le Dr Pouessel. On peut se cantonner aux anti-histaminiques si la réaction reste cutanéo-muqueuse, mais il faut être vigilant car la réaction anaphylactique est imprévisible dans son profil évolutif.
Les stylos auto-injecteurs d’adrénaline facilitent et sécurisent la dose à administrer avant l’intervention médicale. L’AMM précise d’utiliser une dose de 0,15 mg dans la tranche des 15-30 kg, 0,30 mg dans la tranche des 30 à 60 kg et de 0,30 à 0,50 mg en
cas de poids supérieur à 60 kg. Pour l’adulte, la dose injectée est de 0,01 mg par kilo avec un maximum de 0,5 mg. Mais, comme l’a souligné le Dr Pouessel, les PAI (projets d’accueil individualisé) à l’école restent très hétérogènes, en particulier vis-à-vis du contenu de la trousse d’urgence et des consignes en cas d’allergie grave. Si le nombre de PAI a été multiplié par 6 entre 2002 et 2015 pour une allergie alimentaire dans 94 % des cas, les trousses d’urgence comportent encore des corticoïdes : « Ils sont en troisième ligne et doivent être retirés de la liste d’urgence », insiste le Dr Pouessel.
Encadré : Le SEIPA, un piège diagnostique
En matière d’allergie alimentaire, tout n’est pas médié par les IgE. Le Seipa (Syndrome d’entérocolites induit par les protéines alimentaires) est une nouvelle forme reconnue d’allergie alimentaire de mécanisme neuro-immunologique et de diagnostic difficile car l’expression symptomatique n’est pas univoque et les signes sont peu spécifiques. En général, les vomissements profus et les diarrhées retardées dominent avec une léthargie et une pâleur assez spectaculaire pouvant faire évoquer un sepsis sévère ou un choc anaphylactique. Il est lié aux protéines de lait de vache ou de lait de soja dans un tiers des cas. Des Seipa ont été décrits pour des aliments réputés peu allergisants : riz, céréales, poulet, poissons... L’ondansétron est très efficace sur les vomissements, l’adrénaline n’est pas indiquée et la réhydratation est efficace sur l’hypotension.
Test de provocation Dans la démarche diagnostique, les patch-tests sont inutiles car les prick tests sont négatifs. « Un test de provocation est requis car, sinon, c’est un diagnostic de présomption », a expliqué le Dr Jean-Christophe Caubet (Genève). Les tests de provocation orale en milieu hospitalier sont à faire tous les 12-18 mois et peuvent montrer le développement d’une tolérance à l’aliment impliqué. Ainsi, 60 à 90 % des cas se résolvent dans les 3 ans, surtout pour le lait et le soja.
*Recommandations élaborées par la Société française de médecine d’urgence (SFMU), en partenariat avec la Société française d’allergologie (SFA), le Groupe francophone de réanimation et urgences pédiatriques (GFRUP) et le soutien de la Société pédiatrique de pneumologie et d’allergologie (SP2A).