LE QUOTIDIEN : Qu’est-ce qu’une douleur transitionnelle postopératoire ? S’agit-il d’un phénomène fréquent ?
Pr VINCENT MINVILLE : Il s’agit de douleurs créées par un acte chirurgical et qui persistent deux mois après l’opération. Elles ne sont pas très connues et souvent méprisées ou pas traitées. Il y en aurait après 20 à 30 % des interventions. Dans 5 % des cas, ces douleurs sont sévères et doivent impérativement être prises en charge avant qu’elles ne se chronicisent.
Certaines interventions sont plus à risque que d’autres, comme la chirurgie thoracique, du sein ou du genou. Sur le plan physiopathologique, il s’agit de douleurs nociceptives avec atteinte des tissus, de douleurs neuropathiques et parfois un mélange des deux.
Quels sont les signaux d’alarme pour le généraliste ?
Il faut être à l’écoute de ce que le patient déclare, par exemple s’il rapporte une sensation douloureuse, désagréable ou « bizarre » qui ne diminue pas deux mois après l’opération. Cela peut prendre différentes formes comme une anesthésie de la zone opératoire ou au contraire une hyperalgésie, c’est-à-dire une sensibilité excessive à un stimulus nociceptif.
Il peut aussi s’agir de picotements ou de fourmillements qui signent l’atteinte nerveuse. En pratique, dès que les patients décrivent ce genre de symptômes, les médecins généralistes doivent utiliser le questionnaire DN4, qui comporte quatre questions simples. Si le score est supérieur ou égal à 4, il faut adresser le patient à l’anesthésiste qui l’a pris en charge lors de son opération.
Pourquoi n’est-il pas possible de traiter ces douleurs en ville ? Et pourquoi ne pas les adresser aux centres antidouleur ?
Les médecins généralistes doivent déjà gérer beaucoup de choses. L’élément clé est de ne pas mettre ces patients sous opioïdes, qui ne régleront pas la douleur dans la plupart des cas, mais qui risquent d’entraîner des complications. Les spécialistes de la douleur sont les plus à même d’identifier les causes de la douleur et de prescrire les traitements de première ligne. Une autre possibilité serait de les adresser aux centres antidouleur, mais il y a en moyenne un an d’attente. Or, en un an, la douleur a le temps de se chroniciser.
Si un patient se présente au cabinet avec une douleur datant déjà d’un an ou deux, est-il trop tard pour l’orienter vers un anesthésiste ?
Il n’est jamais trop tard. Ne serait-ce que parce qu’il faut que le chirurgien soit impliqué pour détecter d’éventuelles complications. Si les douleurs se chronicisent, les conséquences sur la vie quotidienne sont importantes : troubles du sommeil, anxiété, repli social…
Les douleurs transitionnelles peuvent être traitées de diverses manières : par des antidépresseurs, des antiépileptiques ou un geste technique locorégional. Le principe général, c’est qu’il y a une hypersensibilisation du système nerveux central à l’origine de l’aggravation et qu’il faut couper cette boucle. Ces parcours de soins feront l’objet en 2026 de recommandations formalisées d’experts de la Sfar.
La Sfar met à disposition des lettres d’adressage
Le comité Douleur-ALR de la Sfar met en ligne des outils de communication destinés à renforcer la collaboration entre médecins et anesthésistes. Sous forme de fiches d’adressage et de lettres d’information, ils visent à optimiser les échanges entre les différents acteurs médicaux et ainsi prévenir la chronicisation de la douleur postopératoire.
Ces documents incluent une lettre d’information pour le médecin traitant, une lettre d’adressage à un médecin spécialiste de la douleur, et une lettre d’information pour les médecins douleurs référents à destination des chirurgiens et anesthésistes.
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