LE BILAN de la vaccination antipapillomavirus est tout à fait correct dans la population de rattrapage des 15-23 ans, en particulier chez les jeunes filles et jeunes femmes âgées de plus de 17 ans, avec un taux de couverture vaccinale de plus de 60 %. Un bilan positif qui découle notamment des efforts d’information faits par les gynécologues et les médecins généralistes auprès de cette population. En revanche, pour les adolescentes de 14 ans, qui constituent la cible de la vaccination, le taux de couverture vaccinale plafonne à moins de 40 %, ce qui est bien sûr largement insuffisant. « Quatorze ans est un âge difficile, car il ne correspond à aucun autre rendez-vous du calendrier vaccinal. Ces jeunes filles ne sont plus vraiment suivies par le pédiatre, ne consultent pas souvent leur médecin généraliste, sauf à l’occasion de la demande de certificats sportifs et ne viennent généralement pas encore dans les cabinets des gynécologues. Par ailleurs, les discours de prévention ne reçoivent que peu d’écho à cette période de la vie où prime la notion d’immortalité, et où l’abord de la sexualité reste parfois encore tabou pour les parents », rappelle le Pr Riethmuller.
Comment toucher ces adolescentes ? Il paraît difficile d’agir par le biais de la médecine scolaire, ce que l’on peut regretter quand on voit l’exemple de l’Australie, où la couverture vaccinale est de plus de 90 % avec déjà un impact clinique perceptible en population. En France, la meilleure voie possible est d’informer les parents, notamment les mères. « Les gynécologues et les médecins généralistes doivent poursuivre leurs efforts dans ce sens, en insistant sur la très bonne efficacité du vaccin et sur sa tolérance, confirmée après l’administration de plus de cent millions de doses à travers le monde. Aucune agence de surveillance n’a rapporté de données qui pourraient remettre en cause les recommandations actuelles ».
La troisième injection est primordiale.
Un autre message important porte sur la nécessité d’une bonne observance du schéma vaccinal à 3 injections, car la troisième injection est primordiale pour le maintien de l’immunité dans le temps. « Cela est d’autant plus crucial que les extrapolations réalisées à partir des anticorps produits après la vaccination laissent présager une protection à très long terme, de plusieurs décennies, voire pour la vie entière », précise le Pr Riethmuller. Il faut donc bien informer les jeunes filles et les mères sur l’importance de cette troisième injection, parfois oubliée, mais qui peut alors être faite jusqu’à un an après l’initiation de la vaccination.
« On peut par ailleurs se réjouir du retrait de la recommandation préférentielle du Haut conseil de la santé publique qui, dans un avis du 17 décembre 2010, "considère que dans l’état actuel des connaissances, et dans le cadre de la stratégie de vaccination contre les infections à papillomavirus humains des jeunes filles âgées de 14 à 23 ans, il n’y a plus lieu de recommander de façon préférentielle l’un des deux vaccins" anti-HPV ». Une décision prise sur la base des données finales de suivi de la cohorte de phase III. « Il n’est pas possible de comparer les deux vaccins, car les études cliniques n’ont pas porté sur les mêmes populations », insiste le Pr Riethmuller. Par exemple, la population suivie dans les études évaluant le vaccin quadrivalent était plus souvent issue de pays d’Europe que celle incluse dans les essais menés avec le vaccin bivalent, dont un tiers provenait de pays d’Asie et du Pacifique. Or, la répartition génotypique est différente d’un pays à un autre. De même, la définition de patiente « naïve » n’était pas le même pour les deux vaccins. Ainsi, comme le préconise d’ailleurs l’OMS, il ne faut pas comparer les deux vaccins.
Quant à la protection croisée, « elle ne doit pas venir parasiter nos messages », poursuit le Pr Riethmuller. Elle n’a été démontrée que pour un seul génotype, le HPV 31, qui plus est de façon partielle et sans indicateur sur son maintien dans le temps. Son impact éventuel sur le risque de cancer du col est ainsi marginal par rapport à celui de la protection directe vis-à-vis des génotypes 16 et 18. Rappelons que le génotype 16 est responsable à lui seul de plus de la moitié des cancers dans le monde, alors que le HPV 31 n’est en cause que dans 2 à 3 % des cancers du col.
Le cancer anal.
Un élément nouveau porteur d’espoir concerne le cancer anal. Les arguments scientifiques s’accumulent pour souligner la grande similitude entre le cancer du col utérin et le cancer anal, pour lequel le ratio en faveur du HPV 16 est encore plus important, de l’ordre de 70 à 80 % contre 50 % dans le cancer du col de l’utérus. Parmi les 120 à 200 génotypes de HPV infectant l’espèce humaine, une quarantaine a un tropisme pour la sphère anogénitale, dont une quinzaine sont potentiellement oncogènes. L’HPV 16 est vraiment le plus à même d’entraîner une dérégulation cellulaire à l’étage anal, dont la sensibilité aux autres génotypes est moindre qu’au niveau du col utérin. Parallèlement, l’épidémiologie du cancer de l’anus s’est modifiée : cancer de la femme dans la septième décennie au milieu du XXe siècle, le cancer de l’anus concerne désormais presqu’autant les hommes que les femmes, avec un pic d’incidence plutôt situé entre 50 et 60 ans. « Certes, nous ne disposons pas de la démonstration de l’efficacité de la vaccination vis-à-vis du cancer anal, mais les extrapolations laissent supputer cette efficacité. Ce qui apporte un argument supplémentaire en faveur de l’extension de la vaccination chez le garçon », conclut le Pr Riethmuller.
D’après un entretien avec le Pr Didier Riethmuller, hôpital Saint-Jacques, Besançon.
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