Une population de lymphocytes T spécifiquement produite par l'intestin aurait un effet anti-métastatique dans le cancer colorectal, selon les dernières données publiées par les chercheurs de l'Oncopole de Toulouse dans « Science Immunology ».
Selon ces travaux dirigés par la Pr Maha Ayyoub (unité anti-tumorale et immunothérapie, Centre de recherches en cancérologie de Toulouse, Université Paul Sabatier Toulouse III) et Christel Devaud (CRCT, Université Victor Segalen Bordeaux II), l'intestin serait capable de produire une population spécifique de lymphocytes T, les CD8 α4β7, efficaces non seulement contre les métastases intestinales, mais aussi à distance contre la tumeur primitive.
Ces travaux sont nés d'un constat : les stratégies actuelles d’immunothérapie, basées sur des anticorps monoclonaux (les anti PD-1 par exemple) sont efficaces contre les tumeurs primitives chez les patients atteints de cancer colorectal métastatique, mais ne fonctionnent pas contre leurs métastases, en particulier hépatiques, les plus fréquentes.
Une réponse spécifique des muqueuses intestinales
Les chercheurs ont donc questionné l'hypothèse d'une différence entre la réponse immunitaire locale au niveau du côlon et celle provoquée dans d'autres organes. Ils ont pour cela utilisé un modèle expérimental murin porteur d'une tumeur colique et dans les sites métastatiques.
Les chercheurs toulousains ont constaté que les tumeurs du côlon stimulaient spécifiquement des lymphocytes T CD8 antitumoraux α4β7. Ces derniers contrôlent non seulement la croissance de la tumeur primaire mais aussi celle des métastases à distance, en particulier hépatiques.
Lors de leurs expérimentations, les scientifiques ont constaté que les tumeurs hépatiques des souris régressaient s'ils parvenaient à les exposer à des lymphocytes T α4β7. A contrario, s'ils réprimaient l'expression de ces lymphocytes, toute réponse immunitaire contre les métastases était bloquée.
Dans un deuxième temps, l'équipe a validé ces résultats en testant l'effet de ces lymphocytes T CD8 α4β7 activés localement sur des métastases de patients humains. Ils se sont révélés être des effecteurs clés de l’immunité antitumorale aboutissant au contrôle de la maladie métastatique.
Un nouveau pan de la recherche qui se débloque
Cette preuve de concept ouvre un nouveau pan de la recherche contre le cancer, puisqu'il est désormais démontré le rôle central que peut jouer l’immunité intestinale dans l’immunosurveillance systémique du cancer, avec des mécanismes antitumoraux observables mais encore à explorer.
Les auteurs évoquent également des perspectives cliniques, avec le développement de nouvelles stratégies d’immunothérapie en mesure de contrôler la maladie métastatique dans le cancer colorectal.
Les lymphocytes T CD8 α4β7 se caractérisent par la présence à leur surface de l’intégrine α4β7. Cette dernière maintient les lymphocytes captifs au niveau de l'intestin. Il est envisageable de trouver un moyen de libérer ces cellules immunitaires pour qu'elles puissent jouer un rôle ailleurs. Il est également possible qu'une combinaison d'immunothérapie classique et de lymphocytes T CD8 α4β7 puisse significativement améliorer le pronostic des patients atteints de lésions métastatiques.
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