Les cancers de la prostate étaient responsables en 2018 d’environ 8 100 décès par an, ils sont la troisième cause de mortalité par cancer chez les hommes. L’enjeu est de réduire la mortalité tout en évitant un potentiel surtraitement. « Depuis longtemps, cette crainte du surtraitement a conduit à une grande prudence, éloignant l’idée d’un dépistage généralisé dans l’esprit de nos instances, en particulier de la Haute autorité en santé (HAS), rappelle le Pr Fournier. Pourtant, dépister précocement avec les moyens technologiques actuels permet de réduire la mortalité ». Il y a une quinzaine d’années, l’essai ERSPC a démontré une réduction de la mortalité par cancer, mais au prix de nombreuses biopsies inutiles et d’un surtraitement, rendant le procédé de dépistage de l’époque non généralisable. De plus, les résultats de l’étude PLCO se sont avérés irrecevables, dû à un biais méthodologique. À l’époque, le dépistage reposait déjà sur le dosage du PSA, mais avec un parcours bien différent d’aujourd’hui. Source de confusion, cette situation a abouti à un rejet du « PSA pour tous ». La HAS avait alors consenti sans conviction à un dépistage opportuniste, en laissant le choix au médecin et aux hommes concernés de décider d’un dosage du PSA à partir de 50 ans.
Une évolution du parcours
« Aujourd’hui, la réalité quotidienne du dépistage du cancer de la prostate a évolué, relève le Pr Fournier. Le parcours est bien structuré, avec un risque minime de surtraitement, notamment grâce à l’utilisation de l’IRM multiparamétrique (IRMmp) ». Cette technologie, employée en routine, et la surveillance active des formes à faible risque évolutif, ont été codifiées dans les recommandations de l’AFU 2020-2022 sur le cancer de la prostate. En 2022, un PSA au-dessus de la norme à plus de 50 ans n’est plus systématiquement synonyme de biopsie et de traitement si celle-ci est positive. Actuellement, à partir de 50 ans (45 ans si origine africaine et/ou antécédents familiaux, 40 ans en cas de mutation BRAC2), un taux de PSA au-dessus de 3 ng/ml, et/ou un toucher rectal suspect, impose la réalisation d’une IRMmp. L’âge limite du dépistage est fixé autour de 70 à 75 ans, au-delà le risque de mourir de vieillesse l’emportant même en cas de cancer.
Une stratégie fondée sur l’IRM
L’IRMmp est donc le chaînon manquant entre le taux de PSA et les biopsies prostatiques, réalisées de plus en plus par voie transpérinéale pour limiter le risque infectieux. Si l’IRMmp révèle une anomalie (score PIRADS 3, 4 ou 5), elle permet ensuite de guider les biopsies et d’augmenter les chances de détecter un cancer agressif. Elle repère les tumeurs agressives (à partir d’un score de Gleason 7 – ISUP 2), en laissant de côté les formes peu ou pas évolutives (score de Gleason 6 – ISUP 1). Or, ce sont ces dernières qui font l’objet d’un surdiagnostic. « Cette stratégie fondée sur l’IRM évite des biopsies inutiles, limite le risque de surdiagnostic et de surtraitement », précise le Pr Fournier.
La surveillance active concerne 30 % des cancers (Gleason 6 - ISUP 1), dont un quart seulement sera traité plusieurs années après. Mais si l’IRMmp est normale et la densité du PSA inférieure à 0,15 ng/ml, les biopsies sont maintenant évitées. Un PSA est reprogrammé un an plus tard. La valeur prédictive négative de l’IRMmp est de 90 %. Les 10 % de cancers significatifs non repérés à l’IRMmp sont rattrapés par le calcul de la densité du PSA.
Quant aux dosages de PSA, auparavant annuels, ils sont désormais réalisés selon un intervalle de deux (si taux < 3 ng/ml) à quatre ans. De plus, le taux de départ du PSA à un âge donné semble important et pourrait moduler encore la stratégie de dépistage (stopper par exemple le dépistage à 65 ans en cas de PSA < 1ng/ml).
Des pistes d’avenir
Les scores polygéniques pourraient personnaliser davantage le dépistage. Outre les mutations constitutionnelles héréditaires (BRCA1 et 2, HOXB13…), des variants génétiques pourraient permettre de calculer un risque relatif individuel de cancer de la prostate. Selon des essais (notamment suédois), il serait faisable prochainement de combiner le taux de PSA, le résultat de l’IRMmp et le score polygénique pour évaluer le risque. L’AFU projette de promouvoir une étude pour tester la valeur prédictive du score polygénique et son apport dans la personnalisation du dépistage.
(1) urofrance.org
(2) e-cancer.fr
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