Depuis 2014, la destruction d’un adénocarcinome localisé de la prostate par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) fait l'objet en France d'une prise en charge dans le cadre du forfait innovation. En vue de sa possible prochaine prise en charge par l'Assurance-maladie dans le cadre du droit commun, la Haute Autorité de santé (HAS) vient de publier une évaluation de cette technique.
Si la Haute Autorité ouvre la porte au traitement par HIFU, elle reste réservée quant à son positionnement vis-à-vis des alternatives thérapeutiques, à savoir prostatectomie totale, radiothérapie externe, curiethérapie interstitielle, hormonothérapie ou surveillance active.
Concrètement, l'HIFU consiste à introduire par voie rectale un émetteur d'ultrasons focalisés, dont la tête est posée contre la prostate. L'opérateur peut varier la profondeur à laquelle les flux d'ultrasons induisent la destruction des tissus par rupture cellulaire et nécrose de coagulation. Le traitement par HIFU présenterait plusieurs avantages : il n'induit pas d'apoptose et permet d'obtenir le PSA nadir entre 12 et 24 semaines après le traitement, puisque les lésions tissulaires sont immédiates. Les médecins sont donc très rapidement au fait de l’efficacité du traitement.
La HAS considère que l'HIFU peut être proposée en première intention, ou en rattrapage postradiothérapie externe, mais que le choix d'y recourir doit reposer sur une décision médicale partagée entre les professionnels de santé et le patient. Ce dernier doit recevoir une information claire sur l’ensemble des techniques disponibles et sur les incertitudes relatives à la valeur ajoutée de HIFU, notamment sur la survie à long terme. La HAS s'est appuyée sur les résultats des études HIFI-01 (en première intention) et HIFI-02 (en thérapie de rattrapage), réalisées dans le cadre du forfait innovation et complétées par un recueil de points de vue de professionnels de santé.
Données de suivi encore insuffisantes
La HAS définit le patient pouvant bénéficier d'un traitement par HIFU en première intention curative : âge de 70 ans ou plus, espérance de vie supérieure à cinq ans (absence de comorbidité sévère), cancer localisé de la prostate T1-2 à risque faible ou intermédiaire, avec un taux de PSA inférieur à15 ng/ml et un score de Gleason inférieur ou égal à 7. En pratique, il s'agit déjà du type de patients traités dans le cadre de HIFI-01.
Si la HAS ne se prononce pas sur le positionnement de cette technique vis-à-vis de ses alternatives, c'est parce que les données en sa possession ne permettaient pas, à ce stade, de démontrer autre chose que la non-infériorité au traitement de référence (prostatectomie totale). En première intention, le traitement par HIFU est associé à une diminution du risque de traitement de rattrapage de 24 % et à une morbidité acceptable. Les données montrent aussi une réduction significative du risque d'incontinence urinaire et de dysfonction érectile. En outre, le rapport bénéfice/risque du traitement par HIFU en première intention curative ne peut pas être estimé sur la base des données disponibles.
Un niveau de preuve d'efficacité limité aussi en deuxième intention
En ce qui concerne le recours à l'HIFU en deuxième intention, le profil retenu par la HAS est : un patient âgé de plus de 70 ans, traité initialement par radiothérapie externe pour une tumeur localisée, présentant une récidive biologique (nadir + 2 ng/ml), une récidive locale prouvée histologiquement avec un délai minimum de 2 ans après la fin de la radiothérapie, et ne présentant pas d’extension locorégionale ni de métastases à distance.
Le traitement de référence est la prostatectomie totale de sauvetage, et comme pour le traitement de première intention, les données sont jugées insuffisantes par la HAS pour déterminer si l'HIFU la surpasse. De plus des alternatives moins invasives font également l'objet d'évaluation. « Le niveau de preuve de l'efficacité clinique du traitement par HIFU dans la littérature est faible, indique par ailleurs la HAS. Le rapport bénéfice/risque du traitement par HIFU en rattrapage ne peut pas être estimé sur la base des données disponibles, bien qu'il puisse être favorable par comparaison avec le traitement hormonal seul. »
Les spécialistes partagés
Il est à noter que l'avis des professionnels de santé consultés divergeait selon leur spécialité. Les radio-oncologues estiment que les données de l’étude HIFI-1 ne fournissent pas une base solide en faveur de l'inscription de l'HIFU comme traitement de première intention du cancer de la prostate. Ils se disent même inquiets quant à une mise en œuvre immédiate de la technique, dont ils considèrent qu'elle n’améliore pas le contrôle tumoral. Le taux de récidive biochimique dépasse les 25 % pour l'HIFU, comparé à 10 % pour la prostatectomie, mettent-ils en avant.
Les urologues se sont montrés moins sceptiques, soulignant toutefois l'importance de restreindre l'utilisation de l'HIFU en première intention curative à des populations soigneusement sélectionnées. Ils demandent un encadrement plus strict des indications, en particulier pour les adénocarcinomes prostatiques de faible risque. Les anesthésistes, quant à eux, n'avaient aucune opposition particulière quant à la diffusion de l'HIFU, sous réserve de son efficacité à moyen terme.
Pour conclure, la HAS souligne la nécessité de poursuivre le suivi de la pratique au travers du registre centralisé coordonné par l’AFU, afin de recueillir des données à plus long terme notamment carcinologiques et fonctionnels. Elle estime que des études prospectives comparatives devront être menées et préconise la mise en place d’un système d’assurance qualité de procédures dédiées au traitement HIFU au sein des établissements de santé afin de standardiser les conditions de réalisation et les processus organisationnels.
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