« Dernier né de la classe des IRA, le darolutamide a déjà fait ses preuves dans les formes non métastatiques résistantes à la castration à risque élevé de métastase, après traitement local, dans l'étude ARAMIS (darolutamide/antiandrogène versus antiandrogène), rappelle le Pr Fizazi. Les IRA actuellement sur le marché (enzalutamide, apalutamide et darolutamide) sont d'ailleurs tous trois agréés dans cette indication, avec un service médical rendu important (SMR III), vu les bénéfices observés en survie globale ». Pour rappel, cette nouvelle classe des IRA fait suite aux inhibiteurs de synthèse des androgènes, qui se sont révélés très intéressants dans les cancers hormonosensibles, y compris dans les formes métastatiques, où ils sont agréés en association aux corticoïdes. « Aujourd'hui, c'est au tour des IRA (en l'occurrence au darolutamide), en association à la chimiothérapie, de faire leurs preuves dans ces formes métastatiques naïves hormonosensibles », ajoute le Pr Fizazi.
Plus de 1 300 patients en première ligne
Entre 2016 et 2018, l'étude ARASENS a inclus, dans 286 centres (23 pays), plus de 1300 patients porteurs d'un cancer prostatique métastatique ou à très haut risque, hormonosensible, non prétraité. Ces hommes de 67 ans d'âge moyen sont pour la plupart en très bon état général (ECOG = 0 dans 71 % des cas). En revanche, leur maladie est agressive (Gleason ≥ 8 pour 78 %) avec nombre de métastases osseuses (80 % de stade M1b) et viscérales (17 % de stade M1c). Tous ont bénéficié d'un traitement antiandrogène (agoniste ou antagoniste de la LHRH) ou d'une orchidectomie bilatérale, avec au moins six cycles de docétaxel (+/- corticoïde à la discrétion de l'oncologue traitant). En plus de la chimio-hormonothérapie, ils recevaient soit le darolutamide, soit un placebo.
Au terme d'un suivi médian de 43 mois, 533 des 1 300 patients sont décédés : 229 dans le bras darolutamide versus 304 dans le groupe placebo. Le risque relatif de décès est réduit de 32 % (RR = 0,68 ; 0,6-0,8 ; p < 0,001). À quatre ans, la survie totale atteint 63 % (59-67 %) sous darolutamide versus 50 % (46-55 %) dans le bras contrôle. Le recul de la mortalité est retrouvé dans tous les sous-groupes. Il n'y a manifestement pas de prix à payer en termes de toxicités de grades 3-4 (66% versus 64 %). De plus, le traitement induit une amélioration de plusieurs critères secondaires, en particulier une prolongation du temps avant résistance à la castration.
Une succession de progrès dans les formes métastatiques
« Les progrès enregistrés dans le traitement des cancers de la prostate depuis 10 ans sont impressionnants. C'est vraiment une bonne nouvelle pour nos patients, en particulier les malades relativement jeunes porteurs de formes parfois très agressives », se réjouit le Pr Fizazi. Pour rappel, pendant des décennies, le traitement reposait sur la privation androgénique seule, sans réel progrès pour ces patients métastatiques hormonosensibles. Il ne fallait en moyenne qu’un an pour que le cancer s’adapte et évolue. En 2015, l'introduction de la chimiothérapie par docétaxel améliore pour la première fois le pronostic de ces formes métastatiques, avec un recul de la mortalité. À partir de 2017, les inhibiteurs de l’axe du récepteur aux androgènes viennent à leur tour améliorer ce pronostic.
Plus récemment, en 2021-2022, deux études (PEACE-1 et ARASENS) sont venues montrer que l’adjonction d’un inhibiteur de l’axe du récepteur aux androgènes (l’abiraterone ou le darolutamide), à l’association privation androgénique et docétaxel, améliore encore la survie. « On assiste à nouveau à une réduction relative de 30 % du risque de décès dans chacun de ces essais, relève le Pr Fizazi. Pour les patients les plus graves, présentant une forte charge métastatique, on est ainsi globalement passé, en moins d'une décennie, de trois ans d’espérance de vie à plus de cinq ans. Et ceci au prix de très peu d’effets secondaires, relatifs à l’adjonction du troisième médicament. Ce qui, selon moi, devrait dès maintenant venir modifier nos pratiques, pour le plus grand bénéfice des patients ».
D'après un entretien avec le Pr Karim Fizazi (Président du GETUG, Cancérologie, Institut Gustave Roussy, Villejuif)
(1) Smith MR et al. Darolutamide and Survival in Metastatic, Hormone-Sensitive Prostate Cancer. NEJM 2022; doi: 10.1056/NEJMoa2119115
(2) Fizazi K et al. A phase 3 trial with a 2x2 factorial design in men with de novo metastatic castration-sensitive prostate cancer (mCSPC): Overall survival with abiraterone acetate plus prednisone in PEACE-1. ESMO 2021
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