Dr Maurice Pérol, centre Léon Bérard (Lyon)

Cancer du poumon : vers de nouveaux standards aux stades précoces

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Publié le 13/07/2023
Parmi les diverses études menées dans le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC), deux présentent des résultats spectaculaires. Dans l’essai Adaura (1), l’osimertinib démontre en adjuvant un gain en survie globale à cinq ans. Quant à l’immunochimiothérapie, elle pourrait s’imposer en néoadjuvant, au regard du bénéfice en survie sans progression dans l’essai Keynote-671. Décryptage avec le Dr Maurice Pérol, centre Léon Bérard (Lyon).
Dr Maurice Pérol, centre Léon Bérard (Lyon)

Dr Maurice Pérol, centre Léon Bérard (Lyon)
Crédit photo : ML LUCA

L'osimertinib est un inhibiteur de tyrosine kinase de troisième génération dirigé contre le récepteur de l'EGF. Utilisé depuis quelques années au stade métastatique dans les CPNPC avec mutation de l’EGFR (EGFRm), il est déjà prescrit depuis un an et demi à un stade plus précoce, après exérèse chirurgicale complète, grâce aux premiers résultats de l’étude Adaura. En effet, celle-ci avait montré une amélioration significative de la survie sans récidive (SSR) sous osimertinib versus placebo.

Une survie globale doublée sous osimertinib

L’analyse à cinq ans de l’essai (682 patients inclus) montre que le bénéfice sur la SSR se traduit par une réduction du risque de décès de 51 %, aussi bien dans la cohorte globale (88 % de sujets en vie à cinq ans avec l'osimertinib versus 78 % sous placebo) que pour les stades II–IIIA (survie de 85 % versus 73 %). Le bénéfice hautement significatif de l’osimertinib devrait définitivement l’imposer comme la référence dans les CPNPC avec EGFRm de stade IB-IIIA, après résection chirurgicale et chimiothérapie adjuvante lorsqu’elle est indiquée. « Si les résultats de l’étude Adaura sont impressionnants, ils ne concernent cependant qu’un faible pourcentage des CPNPC. Ce sont ceux possédant une mutation de l’EGFR, soit environ 12 % des adénocarcinomes du poumon, qui eux-mêmes représentent 70 % des CPNPC. Comme seulement 15 à 20 % des cancers du poumon (CP) sont opérables, la cible est étroite : 500 à 600 personnes par an, pour 50 000 CP en France », remarque le Dr Pérol.

Dans le bras placebo, le taux de rechute est très important : plus de 60 % à cinq ans. Ceci justifie d’administrer précocement l’osimertinib, en situation adjuvante. Néanmoins, aucun moyen fiable en dehors du stade de la tumeur ne permet de savoir quels sont les patients susceptibles de rechuter. Ainsi, on traite des personnes qui n’auraient pas rechuté en l’absence de traitement. Actuellement, la biopsie liquide n’est pas suffisamment sensible pour détecter une maladie micro-métastatique. L’absence d’ADN tumoral circulant détectable ne permet donc pas d’exclure un risque de rechute.

Une autre question non résolue concerne la durée du traitement, pour une prévention optimale des rechutes. Le taux de rechutes cérébrales est élevé dans le bras contrôle (près de 30 %). L’osimertinib, qui bénéficie d’une importante diffusion cérébrale, permet une prévention de ces rechutes cérébrales. Cependant, des rechutes sont observées à l’arrêt du traitement, amenant à discuter de l’intérêt de sa poursuite au-delà de trois ans. Cela nécessiterait une étude académique de grande ampleur, afin de juger du rapport bénéfice/risque en tenant compte des inconvénients liés au traitement (peau sèche, diarrhées impromptues).

Dans l’étude exploratoire de phase II Neo Adaura, l’osimertinib va être évalué en néoadjuvant, afin de vérifier sur la pièce opératoire sa capacité à réduire la taille de la tumeur (idéalement à l’éradiquer), et ainsi diminuer le risque de rechutes métastatiques et améliorer la survie. « Mais si l’immunothérapie associée à la chimiothérapie préopératoire peut éradiquer totalement une tumeur dans 20 à 25 % des cas, il en est autrement lorsque la croissance tumorale dépend d’une seule mutation comme celle de l’EGFR, et où il peut persister une maladie résiduelle malgré le traitement ciblé », précise le Dr Pérol.

Pour une immunochimiothérapie préopératoire

Dans les stades précoces du CPNPC (II et III relativement avancés mais potentiellement résécables) et indépendamment du type histologique, l’étude Keynote-671 a évalué l’association du pembrolizumab à la chimiothérapie avant intervention, suivie d’un an de pembrolizumab en adjuvant (2). Parmi les 797 patients randomisés, une éradication totale de la tumeur est constatée sur la pièce opératoire dans 18 % des cas après immunochimiothérapie, versus 4 % sous chimiothérapie seule. « Surtout, le risque de progression tumorale est diminué de 42 %, souligne le Dr Pérol. À deux ans, le taux de survie sans progression (SSP) atteint 62,4 % versus 40,6 %, soit une augmentation impressionnante de 22 % de la SSP. Le recul est encore insuffisant pour juger de l’effet sur la survie globale (SG), mais la séparation des courbes le laisse supposer ».

La chimio-immunothérapie préopératoire dans les CP de stade II/III va vraisemblablement devenir un standard thérapeutique. Une étude utilisant l’immunothérapie uniquement en préopératoire donne des résultats très similaires. Mais quelle est la contribution du pembrolizumab après l’intervention ? Faudra-t-il continuer l’immunothérapie et chez quels patients ? En cas de réponse histologique complète ou au contraire incomplète ? Il reste donc de la place pour des essais évaluant la partie adjuvante…

(1) Herbst RS et al. Abstract LBA3, session plénière
(2) Wakelee HA et al. Abstract LBA100

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr