Les carcinomes rénaux à cellules claires représentent 80 % des tumeurs rénales. Et, durant 30 ans, aucun traitement adjuvant post-néphrectomie n’a réellement fait ses preuves, alors que nombre de patients considérés « guéris » vont souffrir de récidives dans les cinq ans. On compte 17 études randomisées, cumulant plus de 12 000 patients testant divers adjuvants, dont d’autres inhibiteurs de points de contrôles immunitaires. Si certaines ont mis en évidence un bénéfice, en termes de survie sans rechute, malheureusement cela ne s’était jusqu’ici jamais traduit par un bénéfice en survie totale vraiment évident.
Aujourd’hui, le suivi de l’étude Keynote-564 présenté à l’Asco-GU ouvre de nouvelles perspectives (1). Ses résultats montrent en effet pour la première fois un réel bénéfice en survie chez les patients à risque intermédiaire à élevé. Le traitement adjuvant par pembrolizumab, déjà agréé depuis quelques années, sur les données du bénéfice en survie sans récidive, devrait donc devenir un standard de traitement incontournable chez ces patients à risque intermédiaire à élevé.
Une étude randomisée post-chirurgie dans le risque intermédiaire à élevé
Cette étude randomisée multicentrique, menée dans 213 hôpitaux, a inclus entre 2017 et 2019 près de 1 000 patients adultes porteurs d’un carcinome rénal à cellules claires à risque intermédiaire à élevé de récidive. Ces patients, opérés dans les 12 semaines précédentes étaient naïfs de traitement et en bon état général (Ecog 0-1). Ils avaient 60 ans d’âge moyen à l’inclusion. Plus des deux tiers sont des hommes. La très grande majorité (94 %) n’avaient aucune métastase (M0). Les quelques patients en M1 devaient être à un an de la néphrectomie et de la résection de la métastase, et indemnes de récidive.
Par ailleurs, les trois quarts des patients avaient un score PDL-1 supérieur ou égal à 1. Ils ont été randomisés en deux bras, avec une stratification sur la présence ou non de métastase, la région géographique et leur score Ecog (85 % ont un Ecog à 0).
Un bras était traité par pembrolizumab 200 mg IV une fois toutes les trois semaines, l’autre par placebo, et ce durant environ un an (17 cycles). Le critère primaire est la survie sans progression. La survie totale et les toxicités constituent les principaux critères secondaires.
Lors de la première analyse en 2021, à 24 mois de suivi médian, la survie sans récidive était significativement améliorée sous pembrolizumab. On était à 77 versus 68 % ; RR = 0,68 [0,53-0,87] ; p = 0,002 (2). Ce qui a mené à un agrément de cette indication par la FDA puis par l’EMA. Aujourd’hui, les données issues d’un suivi médian de 57 mois montrent que ce bénéfice est associé à une réduction significative de la mortalité (1).
Près de 40 % de réduction relative de la mortalité totale à 57 mois de suivi
À 57 mois de suivi médian, les survies sans récidives s’établissent à 65 % dans le bras pembrolizumab et 57 % dans le bras placebo (RR = 0,72 [0,59-0,87]). Le bénéfice en survie totale n’est pas en reste : on est à 91 % de survie dans le bras pembrolizumab versus 86 % de survie dans le bras placebo (RR = 0,62 [0,44-0,87] ; p = 0,02). Soit un recul relatif de 38 % de la mortalité. Et ce bénéfice est retrouvé dans tous les sous-groupes, indépendamment notamment du stade tumoral et du statut PDL-1.
Quant au petit nombre de patients présentant une tumeur à contingent sarcomatoïde, ils semblent tirer tout autant, sinon plus, bénéfice du traitement, même si on manque de puissance pour pouvoir conclure.
À noter, les survies médianes, supérieures à 50 % à 70 mois de suivi dans les deux bras, n’ont toujours pas été atteintes.
Des effets secondaires connus et gérables en pratique clinique
Le traitement adjuvant par pembrolizumab est assorti d’un certain excès de toxicités. Des effets secondaires sérieux ont été observés chez 21 % des sujets du bras pembrolizumab, versus 11 % du bras placebo. En termes de toxicités de grade 3-4, on est à 19 % dans le bras pembrolizumab versus 1 % dans le bras placebo. Ces effets secondaires ont d’ailleurs conduit respectivement à 10 et 1 % d’interruption de traitement.
« Nous avons observé des effets secondaires classiques des anti-PD1, souvent peu graves, traitables, et sans aucun décès à la clé », résume le Dr Toni Choueri.
Un standard incontournable dans les carcinomes à cellules claires à risque
Pour les auteurs, « il s’agit en pratique clinique d’une grande avancée. Les résultats des analyses intermédiaires étaient déjà très encourageants, en termes de survie sans récidives, dont les courbes commencent à diverger dès quatre mois. Mais, aujourd’hui, l’impact est significatif en termes de mortalité. Les courbes de survie se séparent au bout d’un an. C’est une excellente nouvelle. Et ce, au prix de toxicités tout à fait maîtrisables. »
(1) Choueiri TK et al. Overall survival results from the phase 3 Keynote-564 study of adjuvant pembrolizumab versus placebo for the treatment of clear cell renal cell carcinoma (ccRCC). Asco-GU 2024, LBA359
(2) Choueiri TK et al. Adjuvant Pembrolizumab after Nephrectomy in Renal-Cell Carcinoma. NEJM 2021;385:683-94
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