Traitement des mélanomes localisés

De l'adjuvant dès le stade II

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Publié le 19/11/2021
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Après résection complète d’un mélanome de stade III,  un traitement adjuvant par immunothérapie ou thérapie ciblée (en cas de mutation BRAF) peut être administré pendant un an. De nouvelles données, présentées à l’ESMO 2021, montrent qu’il pourrait aussi être bénéfique dans les mélanomes de stade IIB-IIC.
La majorité des mélanomes sont diagnostiqués à un stade précoce

La majorité des mélanomes sont diagnostiqués à un stade précoce
Crédit photo : Phanie

La majorité des mélanomes sont diagnostiqués à un stade précoce : 75 % au stade I, 15 % au stade II, 7,5 % au stade III et 2,5 % au stade IV. Leur prise en charge repose sur l’exérèse chirurgicale large de la lésion, dont les marges sont définies selon l’indice de Breslow, correspondant à son épaisseur. Lors de la reprise chirurgicale, une procédure de ganglion sentinelle est proposée pour les mélanomes de Breslow > 1 mm, quel que soit le statut de l’ulcération, ou > 0,8 mm ulcéré.

En cas de ganglion sentinelle positif, le curage ganglionnaire n’est plus recommandé dû à l’absence de bénéfice en survie. Le patient est alors éligible à un traitement adjuvant d'un an, afin de diminuer d’environ 50 % le risque de rechute : immunothérapie anti-PD1 intraveineuse [IV] (mélanome BRAF muté ou sauvage) ou une thérapie ciblée par anti-BRAF et anti-MEK orale (si mutation BRAF, 50 à 55 % des cas). « Actuellement, deux anti-PD1 (pembrolizumab et nivolumab) et une thérapie ciblée (dabrafenib/trametinib) ont l’AMM en traitement adjuvant pour les mélanomes de stade III », explique la Dr Pauline Tetu (hôpital Saint-Louis, Paris).

Un gain significatif en survie sans récidive

Dans l’étude Keynote 054 (1), les patients atteints d’un mélanome de stade III (A, B, C) complètement réséqué ont été randomisés pour recevoir 200 mg de pembrolizumab ou un placebo en IV toutes les trois semaines, pour un total de 18 doses. Le pembrolizumab était associé à une survie sans récidive (SSR) significativement plus longue que le placebo à un an : 75,4 % versus 61 % (HR=0,57, p < 0,001).

Quant à l'essai CheckMate 238 (2), les 906 patients opérés d’un mélanome stade IIIB/IIIC ou stade IV réséqués recevaient en adjuvant soit le nivolumab (3 mg/kg en IV toutes les deux semaines), soit l'ipilimumab (10 mg/kg toutes les trois semaines, puis quatre doses toutes les 12 semaines) pendant un an. Un gain significatif en SSR a été observé en faveur du nivolumab (HR=0,65, p < 0,001).

Enfin, l’étude pivot COMBI-AD (3,4) a randomisé 870 patients atteints d’un mélanome de stade III A/B/C, réséqué, avec une mutation BRAF-V600. Ils recevaient le dabrafenib (150 mg deux fois par jour) associé au trametinib (2 mg une fois par jour) ou un placebo. Le traitement dabrafenib-trametinib était associé à une meilleure SSR à quatre ans (54 % contre 38 %) versus placebo (HR = 0,49).

« Dans ces trois études, les traitements étaient globalement bien tolérés avec environ 14,5 % d’effets indésirables de grade 3/ 4 sous anti-PD1. Avec les thérapies ciblées, ils étaient plus fréquents (41 %), mais réversibles à l’arrêt du traitement. Actuellement, les patients atteints de stade III avec une mutation BRAF-600 sont éligibles à une thérapie ciblée ou à une immunothérapie. En l’absence d’étude face à face de ces deux stratégies, il n’y a pas de donnée permettant de recommander un traitement plutôt que l’autre, souligne la Dr Pauline Tetu. Les patients peuvent choisir entre un traitement IV ou oral… ».

Vers une utilisation dès le stade II

Actuellement, les mélanomes de stade IIB et IIC sont pris en charge par chirurgie exclusive et la survie à cinq ans est respectivement de 87 % et 82 %, alors qu’aux stades IIIA et IIIB, celle-ci atteint 93 % et 83 % avec le traitement adjuvant. Les premiers résultats de l’étude Keynote 716, présentés à l’ESMO 2021, ont montré que le pembrolizumab adjuvant dans les stades IIB, IIC, améliore la SSR à un an par rapport au placebo : 90,5 % versus 83,1 % (HR=0,65, p = 0,00658). Les résultats de tolérance sont cohérents avec les données observées en situation métastatique.

Enfin, les premières données de l’étude CheckMate 915 n’ont pas permis de mettre en évidence de bénéfice en termes de SSR et de survie globale avec l’association nivolumab-ipilimumab versus nivolumab seul en adjuvant, dans les mélanomes de stade III B/C/D ou stade IV réséqués.  

(1) Eggermont A et al. N Engl J Med 2018; 378:1789-80.
(2) Weber J et al. N Engl J Med. 09 2017;377(19):1824-35.
(3) Long GV et al. N Engl J Med. 2017 Nov 9;377(19):1813-23.
(4) Hauschild A et al. J Clin Oncol 2018:JCO18.01219.  

Christine Fallet

Source : lequotidiendumedecin.fr