UN MILLIER de personnes ont répondu au sondage lancé à la rentrée par la Ligue contre le cancer sur la sensibilisation au dépistage. Cette étude permet aujourd’hui de mieux connaître la perception des patients sur le dialogue qui s’instaure avec leur médecin et surtout le crédit qu’ils accordent au dépistage lorsqu’il est proposé par le médecin généraliste. « Les patients acceptent de réaliser ces examens dans 95 % des cas lorsqu’ils sont proposés par leur médecin, des résultats qui tombent à 15 % lorsque l’information arrive seulement dans leur boîte aux lettres », souligne le Dr Jérôme Viguier, responsable du département dépistage à l’Institut national du cancer (INCa). Médecin généraliste depuis dix ans dans le Val-de-Marne, Julien Gohier confirme cette tendance, « même si les patients ne viennent pas que pour cela en consultation ».
Christophe Leroux, directeur de la communication de la Ligue, relève des résultats plus surprenants. « Pour 40 % des Français, le cancer du poumon est dépistable, alors qu’aucune donnée scientifique n’en démontre aujourd’hui le bénéfice. C’est actuellement du domaine de la recherche, et il faut s’interroger sur le danger qu’il y a aujourd’hui à prôner un dépistage qui ne servirait qu’à rassurer les fumeurs », explique le Pr Hirsch, qui dénonce « le lobbying des fabricants de scanners et de leurs dérivés, alors que la seule indication actuellement reconnue est l’arrêt le plus précoce possible du tabac ».
Contre la politique de l’autruche.
L’examen de dépistage fait peur à 42 % des personnes interrogées. Le médecin doit donc avoir le temps nécessaire pour convaincre le patient. « C’est la politique de l’autruche, on préfère ne pas savoir et certains affirment aussi ne pas vouloir être soignés, mais on les retrouve six mois après pour entamer un traitement », rapporte Julien Gohier. Des comportements classiques, qui dépendent aussi de la façon dont le dépistage est abordé. « Quand on parle de dépistage précoce lié à des réductions de mortalité, un discours construit permet facilement de dépasser la peur du cancer ancré dans la mémoire collective. C’est à nous de dédramatiser cancer par cancer et d’expliquer pourquoi on propose ce dépistage à cette personne en particulier », insiste-t-il. Ces réticences font l’objet de toutes les attentions de l’INCa, qui mène « des campagnes de communication ni dédramatisantes, ni inquiétantes », souligne Jérôme Viguier.
Les attitudes face au dépistage seraient aussi bien différentes selon l’âge. « À 50 ans, on estime que le problème est encore loin, à la sortie du dépistage organisé à partir de 70 ans, d’autres problèmes de santé peuvent se poser, mais la peur du cancer et de l’examen reste un frein majeur difficile à verbaliser », estime le représentant de l’Institut du cancer.
Bémol sur la prostate.
« Le patient de 45 ans qui n’a pas vu de médecin depuis dix ans et qui arrive pour un bilan de santé s’inquiète forcément pour sa prostate, et il n’est pas si simple d’expliquer que la recherche d’un taux de PSA ne fait pas encore chuter la mortalité, preuves à l’appui », lance Julien Gohier. Se faire dépister c’est aussi s’exposer à des examens qui ne sont pas toujours nécessaires, avec des effets secondaires sérieux, sans que le bénéfice au bout du compte ne soit absolument établi. Alors, Julien Gohier explique, discute, prend le temps en consultation pour guider le patient dans sa décision. « Parler des conséquences sur l’érection reste un argument infaillible, et permet raisonnablement de s’interroger sur les symptômes qui pourraient expliquer ce dépistage. » Sans facteurs particuliers, il prône l’évacuation de l’inquiétude, en gardant bien à l’esprit de devoir en reparler régulièrement avec son patient.
Jérôme Viguier est surpris que ce doute sur l’intérêt du dépistage du cancer de la prostate s’installe chez les jeunes généralistes. Un bémol qui le conduit aussi à s’interroger sur l’appropriation des recommandations de la Haute Autorité de santé par les médecins. « Ceci doit encore progresser, car un quart des médecins affirment aujourd’hui parler de ce dépistage régulièrement et seulement un sur cinq évoquent des effets secondaires et les séquelles possibles avec leur patient », déplore le Dr Viguier, qui envisage de redoubler d’efforts pour une meilleure utilisation du PSA.
Les généralistes semblent encore bien démunis face à l’utilisation de ce marqueur et des examens à prescrire lorsque les résultats sont positifs. Ils restent pourtant les premiers relais dans ce domaine, c’est pourquoi l’INCa et la HAS leur proposeront au début de 2012 un document à remettre aux hommes pour faire le point sur les bénéfices et les complications possibles de ces prélèvements avant de s’engager dans un dépistage.
* 2e Rencontre nationale des médcecins généralistes face au cancer.
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