LA PRISE EN CHARGE des cancers de la prostate au stade localisé dépend de critères pronostiques (1). Certains concernent la tumeur elle-même, comme les données du toucher rectal (stade clinique), la valeur du PSA préthérapeutique, les résultats anatomopathologiques des biopsies prostatiques (score de Gleason, pourcentage de biopsies positives…) et les données de l’imagerie (essentiellement l’IRM pelvienne). D’autres critères sont relatifs au patient et concernent son espérance de vie et ses (éventuelles) morbidités compétitives ou comorbidités ainsi que la prise en compte des éventuels troubles mictionnels. Ses préférences, enfin, doivent être prises en compte et dépendent notamment de l’information qui lui est dispensée. Le rôle du médecin généraliste qui connaît bien son patient est alors très contributif pour la décision thérapeutique. Le cancer de la prostate, lorsqu’il est localisé, présente la particularité d’être silencieux cliniquement et de ne pas être détectable par le patient. Cela souligne l’importance du dépistage ou du diagnostic précoce, mais aussi de la nécessité de pouvoir différencier les formes à haut risque de progression des formes non « significatives » ou « indolentes » à très faible risque de progression ; les premières doivent être traitées sans retard, les secondes peuvent être éventuellement surveillées de manière active et traitées en cas d’aggravation. Toutefois, les critères permettant la surveillance active sont en cours de validation et cette modalité reste une option à proposer et non un standard. Elle peut se discuter chez les hommes dont l’espérance de vie est courte, inférieure à 10 ans, en l’absence de signe clinique et si le score de Gleason est modéré < 7 (4+3), avec mise en place éventuelle d’un traitement hormonal en cas de progression de la maladie.
La prostatectomie totale aujourd’hui.
L’arsenal thérapeutique comporte la prostatectomie totale, la radiothérapie externe, la curiethérapie, les ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU), l’hormonothérapie et la cryothérapie. Globalement, la comparaison entre toutes ces options est difficile, en raison de l’absence d’études comparatives randomisées (2). Les différentes possibilités thérapeutiques doivent être présentées au patient en fonction des paramètres cliniques, biologiques et histologiques en ciblant le meilleur choix pour lui qui sera validé en RCPO. Les effets secondaires de tous ces traitements méritent à cet égard d’être pris en compte dans la décision thérapeutique. • La prostatectomie totale, traitement de référence du cancer localisé chez l’homme de moins de 70 ans dont l’espérance de vie est supérieure à dix ans, permet le contrôle local de la tumeur. Selon les critères de la maladie, elle est réalisée avec ou sans curage ganglionnaire et avec ou sans conservation (uni- ou bilatérale) des bandelettes neuro-vasculaires de l’érection. Depuis dix ans, le développement et le perfectionnement des différentes voies d’abord (ouverte, laparoscopique et robot-assistée) ont permis une amélioration globale des résultats carcinologiques et fonctionnels (continence urinaire et érection). Une étude scandinave a montré qu’à 10 ans, par comparaison avec la surveillance simple, la prostatectomie totale s’accompagnait d’une réduction significative de la mortalité totale et spécifique et d’une diminution du risque de métastases, nettes surtout chez les hommes de moins de 65 ans(3).
Une radiothérapie qui s’adapte à la lésion tumorale.
La radiothérapie externe peut être proposée préférentiellement chez les patients de plus de 70 ans, ou ayant des comorbidités importantes, ou en cas de contre-indication à la chirurgie. La radiothérapie conformationnelle permet de mieux cibler la prostate. Elle permet la délivrance de doses plus importantes et réduit la fréquence des complications de l’irradiation. La radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI, ou IMRT), fait appel à des isodoses « qui doivent être au plus proche de la forme de la lésion tumorale ». Sa précision est encore meilleure que celle de la radiothérapie conformationnelle, actuellement largement utilisée en France. La technique est délicate, mais utilisée en routine dans le cancer de la prostate par plusieurs centres français (4). La radiothérapie guidée par l’image, ou IGRT, est une technique émergente qui « consiste en de multiples modalités de techniques d’imagerie associées à l’accélérateur » (5). Cela permet de repérer la position de la tumeur avant chaque séance pour s’assurer qu’elle est bien dans le champ. La radiothérapie externe est habituellement associée à une hormonothérapie de courte durée (6 mois) ou de longue durée (2 à 3 ans) si la maladie est de risque intermédiaire de progression ou de haut risque (T2c, score de Gleason 8 à 10, PSA › 20 ng/ml).
La curiethérapie exclusive peut être proposée en cas de cancer de la prostate à faible risque évolutif (PSA < 10 et T1c-T2a et score de Gleason < 7) chez des patients de plus de 65-70 ans ou refusant la chirurgie avec un volume prostatique < 50 cm3 et peu ou pas de signe obstructif urinaire. Le traitement des cancers plus évolués par implants permanents ou temporaires à haut débit de dose, associée à la radiothérapie externe, peut être proposé dans le cadre d’un essai thérapeutique contrôlé. • Les ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) constituent une autre approche plus récente du traitement du cancer de la prostate. Les ultrasons génèrent de la chaleur qui permet d’obtenir la nécrose du tissu prostatique. Une résection endoscopique est réalisée préalablement en cas de volume prostatique important. Ce traitement mini-invasif du cancer localisé de la prostate est bien adapté aux patients non candidats à la chirurgie radicale du fait de leur espérance de vie inférieure à 10 ans ou de comorbidités associées(6).
L’hormonothérapie isolée n’est pas recommandée en première ligne d’un cancer localisé, en dehors des cas de progression chez un patient sous surveillance simple. • La cryothérapie, qui consiste à délivrer des températures de -50 °C à -70 °C, connaît un regain d’intérêt grâce au développement des outils informatiques qui permettent de mieux repérer et contrôler les zones où est délivré le froid. Elle est réservée aux patients ne relevant pas d’un autre traitement. Au total, le cancer de prostate au stade localisé est une tumeur dont l’éventail de prise en charge thérapeutique est large, ce qui permet d’offrir au patient le meilleur rapport bénéfice-risque en limitant les effets secondaires.
* CHU de Toulouse, responsable du Comité de Cancérologie de l’Association Française d’Urologie. ** CHU de Créteil, responsable du sous-comité prostate du CCAFU.
Références (1) Soulié M, et coll. Cancer de la prostate. Recommandations 2007 du CCAFU. Prog Urol 2007 ; 17 : 1157-1230.
(2)Wilt TJ, et coll. Systematic review: comparative effectiveness and harms of treatments for clinically localized prostate cancer. Ann Intern Med 2008 ; 148 (6) : 435-48.
(3) Iversen P, et coll. Radical prostatectomy versus expectant treatment for early carcinoma of the prostate. Twenty-three year follow-up of a prospective randomized study. Scand J Urol Nephrol Suppl. 1995 ; 172 : 65-72.
(4) Veldeman L, et coll. Evidence behind use of intensity-modulated radiotherapy: a systematic review of comparative clinical studies. Lancet Oncol 2008 ; 9 (4) : 367-75.
(5) Decrevoisier R, et coll. Radiothérapie guidée par l'image. Cancer Radiother 2007 ; 11 (6-7) : 296-304. (6) Poissonnier L, et coll. Indications, techniques et résultats du traitement par ultrasons focalisés (HIFU) du cancer localisé de la prostate. Ann Urol 2007 ; 41 (5) : 237-53.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?