Comment améliorer les résultats du dépistage du cancer colorectal ? Deux tests basés sur la recherche d’ADN tumoral se révèlent prometteurs : l’un sanguin pouvant améliorer l’acceptabilité, l’autre fécal plus performant que l’actuel utilisé en clinique. Chacun a fait l’objet d’une étude de phase 3 de grande ampleur publiée dans le même numéro du New England Journal of Medicine.
« Le taux de participation au test fécal plafonne actuellement à 30 % en France, rappelle au Quotidien le Pr Robert Benamouzig, gastro-entérologue à l’hôpital Avicenne (AP-HP). Comme environ 20 % de la population passe une coloscopie, la couverture totale peut être estimée à 50 %. Un test sanguin pourrait changer la donne si toutes les personnes de 50 à 74 ans le faisaient. C’est la première fois qu’un test sanguin atteint une sensibilité acceptable qui s’aligne sur celle du test fécal ». Quant à la nouvelle génération de test fécal, « c’est un progrès technique, mais la question sera d’évaluer l’intérêt en termes de rapport coût/efficacité et de nombre de cancers évités par rapport au test existant », estime le spécialiste, ajoutant qu’il s’agit ici de la deuxième version du test fécal à ADN, la première ayant été retoquée par les agences françaises.
Coloscopie pour le dépistage aux États-Unis
Les deux études ont été réalisées aux États-Unis chez des personnes à partir de la quarantaine passant une coloscopie de dépistage en routine (sans antécédent familial ni personnel de cancer colorectal), une pratique fréquente outre-Atlantique. L’étude Eclipse, qui évalue le test sanguin ADN (société Guardant Health), a inclus 7 861 personnes éligibles. « Au total 83,1 % des participants avec un cancer colorectal à la coloscopie avaient un test ADN circulant positif et 16,9 % un test négatif, ce qui indique une sensibilité du test ADN libre de 83,1 % (IC95 % : 72,2 à 90,3) », écrivent les auteurs. De plus, la spécificité totale d’avoir une coloscopie négative (absence de cancer colorectal, de lésions précancéreuses avancées et non avancées) était de 89,9 % (IC 95 % : 89,0 à 90,7).
Quant à l’étude Blue-C évaluant le test fécal de nouvelle génération (Exact Sciences), elle a inclus 20 176 participants, tous ayant réalisé le test fécal à ADN et le classique immunochimique (FIT) avant la coloscopie. L’objectif principal était d’évaluer la sensibilité et la spécificité du nouveau test ; l’un des critères secondaires était de comparer ses performances à celles du test FIT. La sensibilité pour le cancer colorectal s’élevait à 93,9 % (IC95 % : 87,1 à 97,7) et la spécificité pour une néoplasie avancée à 90,6 % (IC95 % : 90,1 à 91,0). Par rapport au FIT, le test à ADN s’est révélé significativement supérieur en termes de sensibilité pour le cancer colorectal et pour les lésions précancéreuses avancées, mais avec une moindre spécificité pour les néoplasies avancées (le test FIT avait moins de faux positifs).
Des options à laisser au choix du patient ?
Aux États-Unis, le test FIT est recommandé une fois par an, quand le test fécal à ADN est prévu tous les trois ans. « Même si notre étude établit une sensibilité supérieure du test fécal nouvelle génération à ADN sur le FIT, elle n’indique pas quelle modalité de dépistage est la meilleure pour un patient donné », commente le Dr Thomas Imperiale, gastro-entérologue à Indianapolis et premier auteur de Blue-C. Ce d’autant que le test à ADN coûte actuellement quelques centaines de dollars, par rapport à quelques dizaines d’euros tout compris par exemple pour le test fécal utilisé en France, précise le Pr Benamouzig.
Quant au test sanguin, dont la précision se rapproche des tests fécaux actuels, il pourrait devenir « une alternative aux personnes qui déclinent les options actuelles de dépistage », estime le Dr William Grady, gastro-entérologue au Fred Hutchinson Cancer Center (Seattle) et auteur senior d’Eclipse. La coloscopie de dépistage reste l’option la plus fiable, estime-t-il, mais « vouloir dépister la population pour le cancer fonctionne mieux quand on propose plusieurs options et qu’on laisse le choix à chacun de ce qui lui convient le mieux ». Alors que le cancer colorectal touche des populations de plus en plus jeunes, en particulier aux États-Unis (troisième cancer chez les moins de 50 ans) mais aussi en France, « avoir un test sanguin lors de visites de routine chez le médecin pourrait aider à dépister plus de personnes », ajoute-t-il.
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