Alors que les preuves de son efficacité et de sa pertinence dans le dépistage du cancer du poumon s’accumulent, le scanner thoracique faible dose sans injection reste sous-exploité en France, regrette le collectif « Ensemble, nous poumons ». À l’occasion de l’opération « Novembre Perle » (mois de sensibilisation au cancer du poumon) et du Mois sans tabac, le regroupement de professionnels de santé et de représentants de patients, soutenu par AstraZeneca, plaide pour un recours plus systématique à cet examen pour un dépistage chez les fumeurs ou anciens fumeurs.
Le cancer du poumon est toujours responsable en France de 33 000 décès annuels. Et, 46 000 nouveaux cas sont détectés chaque année. Mais le diagnostic intervient « trop souvent à un stade avancé de la maladie, réduisant les chances de survie », souligne le Dr David Boulate, chirurgien thoracique à l’hôpital Nord de Marseille (AP-HM), citant les résultats de l’étude KPB montrant un diagnostic précoce dans seulement environ 15 % des cas. À côté de l’accompagnement au sevrage tabagique, le dépistage permet ainsi une « prise en charge précoce », la porte d’entrée vers les « traitements curatifs, qui augmentent les chances de guérison et de survie », poursuit le membre du collectif.
Un programme national de dépistage en cours d’élaboration
Depuis la publication de deux grandes études, NSLT aux États-Unis et Nelson en Europe, quantifiant le recul de la mortalité par cancer du poumon obtenu grâce à une détection précoce par scanner à faible dose chez les sujets à risque, de nombreux acteurs réclament le déploiement d’un programme de dépistage organisé du cancer du poumon.
Après un premier avis défavorable en 2016, la Haute Autorité de santé (HAS) a ouvert la voie, en février 2022, à des expérimentations. Dans la foulée, en avril 2022, l’Institut national du cancer (Inca) a entamé l’élaboration d’un programme pilote dans le cadre de sa stratégie décennale. Ce travail ne devrait pas aboutir à un dépistage généralisé « avant 2030 », anticipe le Dr Boulate.
Au vu des bénéfices du dépistage associé au sevrage tabagique, ne pas prescrire un scanner faible dose à un patient à risque avec des comorbidités stabilisées serait « à la limite de l’éthique », estime le Dr Boulate. Alors que la population française compte 25 % de fumeurs, ce dépistage individuel doit s’accompagner d’une aide au sevrage tabagique et d’une attention aux risques cardiovasculaires et pulmonaires. L’enjeu est de « réussir la révolution qu’est le dépistage car c’est une opportunité de réduire l’ensemble des maladies liées au tabac, responsables de 75 000 décès chaque année en France », poursuit le chirurgien, plaidant pour la création d'un parcours de soins adressant l’ensemble des comorbidités liées au tabagisme.
Mieux informer sur les bénéfices
Pour l’heure, la radiographie thoracique reste « encore trop souvent prescrite » comme examen de dépistage, malgré son « inefficacité démontrée » dans cette indication, déplore le collectif. Une étude observationnelle des pratiques de dépistage, menée par questionnaire auprès de 1 013 généralistes des Hauts-de-France, montre une certaine méconnaissance de cette modalité de diagnostic des maladies liées au tabac. Selon les résultats publiés dans Respiratory Medicine and Research, 69,5 % des généralistes ignoraient les bénéfices potentiels d’un dépistage organisé du cancer du poumon par tomodensitométrie à faible dose. Et, si 76 % proposaient un dépistage individuel aux patients à risque, seule la moitié a déclaré prescrire une tomodensitométrie thoracique.
Constatant un « besoin d’informations » des professionnels de premier recours, le collectif rappelle les bonnes pratiques recommandées par les sociétés savantes. Le dépistage doit cibler les 50/74 ans présentant un tabagisme de plus de 10 cigarettes/jour pendant plus de 30 ans ou plus de 15 cigarettes/jour pendant plus de 25 ans avec un tabagisme actif ou sevré depuis moins de 10 ans. Pour ces populations, le scanner thoracique faible dose non injecté permet « de déterminer l’absence ou la présence d’un nodule et sa nature (bénin, indéterminé, dépistage positif), mais également d’analyser le parenchyme pulmonaire (emphysème), les coronaires (calcifications), l’aorte ascendante, la plèvre ou encore la densité osseuse », est-il détaillé.
Des études pilotes avant un dépistage national
En attendant le lancement d’un programme national, plusieurs expérimentations ont été lancées, et notamment l’étude Cascade en vie réelle (coordonnée par l'AP-HP avec un financement de l’Inca et du ministère de la Santé) menée auprès d'une population de 2 400 femmes de 50 à 74 ans à risque de cancer du poumon (fumeuses ou ex-fumeuses).
Plusieurs membres du collectif mènent également des études pilotes pour explorer des pistes de déploiement du dépistage : orientation des patients à risque par les services de cardiologie (projet Prevalung depuis 2019 à l’hôpital Marie Lannelongue – 92) ; création d'un parcours dédié (Prevalung Etoile depuis 2022 à l’AP-HM) ; mobilisation des généralistes (DEP KP80 dans la Somme et Acapulco en Corse) ; ou encore un camion scanner itinérant pour atteindre les populations défavorisées (Mob’Ilyad en Auvergne-Rhône-Alpes prévu pour 2024).
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