Des duos de soignants face aux couples

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Publié le 16/04/2021
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Au CHU de Rennes, la consultation, depuis l’annonce du diagnostic jusqu’à la fin du traitement, se fait à deux. Une expérience positive qui pourrait servir de modèle dans des situations délicates.
Le 1er échange est un moment scellé à vie dans la mémoire des parents

Le 1er échange est un moment scellé à vie dans la mémoire des parents
Crédit photo : phanie

Quoi de plus difficile que d’annoncer à des parents que leur enfant a une tumeur cérébrale ? « Depuis plus de dix ans, nous prenons en charge les tumeurs cérébrales des enfants sur la région Bretagne. Le cerveau est le 1er organe solide concerné par les tumeurs chez les petits avec 500 nouveaux cas par an en France », ont expliqué la Dr Céline Chappe, onco-pédiatre au CHU de Rennes, spécialisée dans la prise en charge des tumeurs cérébrales et le Pr Laurent Riffaud, neurochirurgien pédiatrique au CHU de Rennes. Pour faire face à ce type de situation souvent terrible, nos deux spécialistes ne voient que des avantages à être deux. « Cela adoucit l’entretien, permet d’être moins violent par rapport à l’annonce. En effet, ce binôme crée un équilibre (des sexes, des âges) face au couple de parents d’un enfant malade. Or, le 1er échange est un moment scellé à vie dans la mémoire des parents. » Tout est pensé dans les moindres détails pour tenter d’adoucir la terrible nouvelle : l’annonce se fait dans une pièce au calme, les téléphones étant éteints pour ne pas être dérangés, dans un décor apaisant. Et les deux spécialistes en sont convaincus : être deux neutralise l’agressivité que pourraient avoir les parents face à ce type de nouvelle. « L’expérience nous a aussi appris que, même si les parents sont séparés, ils restent solidaires pour leur enfant. »

Le sentiment d’être guidé par une équipe

« Aussi dure soit-elle, nous avons pris le parti de dire d’emblée la vérité aux parents – c’est un cancer, c’est grave oui, mais… et de nous adapter à leur réaction verbale et non verbale (pleurs, sidération, hurlements). Être en binôme nous permet de nous relayer l’un - l’autre et d’aller sur ce qui est positif en essayant d’alléger le poids du drame, de proposer des solutions. Nous ne laissons pas de silence embarrassant s’installer. Cela donne un esprit d’équipe, pour un match à gagner tous ensemble : pour les parents, bien sûr, le monde s’écroule, mais il y a ce sentiment d’être guidé par une équipe, qui rassure le couple parental. »

Lors de la phase d’annonce, les parents sont dans un état de stress maximal. L’entretien est orienté sur les possibilités d’ablation chirurgicale totale de la tumeur. Après la neurochirurgie, l’enfant sort assez rapidement de l’hôpital (souvent en moins d’une semaine) et la famille est revue pour discuter des suites à donner. Si l’enfant est en âge de comprendre, on lui explique avec des mots simples, qu’il a une boule dans la tête par exemple. Les grandes étapes à venir sont détaillées avec les parents : « en binôme, on partage plus facilement les choses difficiles à dire, or il nous faut notamment parler des séquelles à court, moyen et long terme (les séquelles intellectuelles peuvent être sévères si une radiothérapie s’avère indispensable). Pour les parents, c’est un 2e coup de massue. Puis, après l’annonce, viennent le temps du traitement (chimiothérapie, radiothérapie) et la phase de suivi quand il y a une rémission. À ce stade, le pire est derrière soi, mais il est important de se recentrer sur l’enfant dans sa globalité et sur la reconstruction familiale. » Enfin, lorsqu’il s’agit d’un cancer incurable, il faut le dire, aussi insupportable soit cette vérité car il faut pouvoir proposer un traitement palliatif. « Notre message est de tout faire pour que la vie reste de qualité, pour le temps qui reste à vivre ».

Exergue : Pour les parents, bien sûr, le monde s’écroule, mais il y a ce sentiment d’être guidé par une équipe


Source : Le Quotidien du médecin