DE NOTRE CORRESPONDANTE
PLUSIEURS études publiées, notamment dans « The Lancet »*, font état de pathologies respiratoires et de symptômes de stress post-traumatique et autres désordres mentaux persistants chez les personnes concernées : les pompiers et les sauveteurs, mais aussi, les travailleurs et les résidents de ce quartier. Une première étude sur une cohorte de pompiers indique également un risque de cancer accru.
« Quelque 409 000 personnes ont été exposées au nuage de débris qui s’est répandu après l’écroulement des tours du World Trade Center, précise au « Quotidien » Sharon Perlman, directrice des projets spéciaux de la division d’épidémiologie au Département de la santé et de l’hygiène mentale de la ville de New York (DSHMNY). Dans les cinq à six ans qui ont suivi, nous avons observé 25 000 nouveaux cas d’asthme et 61 000 cas de stress post-traumatique. »
° Stress post-traumatique
Plus de 150 études ont documenté les effets sur la santé mentale de ces événements. Une étude nationale effectuée trois à cinq jours après le 11 septembre 2001 a montré que 44 % des adultes américains éprouvaient un stress substantiel, précise l’épidémiologiste dans une revue publiée avec ses collaborateurs dans le dossier spécial du « Lancet ». D’autres études, deux mois plus tard, ont montré un accroissement des sentiments de peur et d’insécurité dans toute la population. Néanmoins, les New-Yorkais avaient beaucoup plus de risques de démontrer un probable stress post-traumatique (SPT) que les Américains situés en dehors de la région (avec un rapport de 11 % à 4 % respectivement).
Pour les habitants de New York, la prévalence du SPT a commencé à décroître six mois après les attaques. En revanche les taux ont continué à augmenter chez les populations affectées de plus près, sauveteurs, personnels de déblaiement et travaillant à la restauration des services publics, ainsi qu’habitants, élèves, employés du sud de Manhattan et passants présents le 11 septembre. Des études de cohortes représentant ces différentes populations ont montré des taux de SPT qui sont passés de 14 % à deux-trois ans à 19 % cinq-six ans après les faits. Ce dernier chiffre correspond à quatre fois le taux pour la population générale constate le Dr Thomas Farley, commissaire du DSHMNY, dans un message publié sur le site de son institution. La prévalence de SPT était plus élevée chez les sauveteurs et les travailleurs intervenant sur la pile de décombres haute de six étages qui a continué à brûler de façon intermittente pendant plus de trois mois.
Une des études publiées dans « The Lancet » par le Dr Juan Wisnivesky et son équipe de l’école de médecine de Mount Sinai, à New York, fait état pour ce groupe d’une incidence cumulée, après neuf ans, de 32 % de SPT, de 28 % de dépression et de 21 % de trouble panique pour ce groupe.
° Troubles respiratoires et ORL
Sur le plan de la santé physique, de nombreux troubles respiratoires sont apparus immédiatement après le 11 septembre, rappelle l’équipe de Sharon Perlman. Ce fut d’abord la « toux du WTC », qui a affecté en particulier 54 % de quelque 10 000 pompiers au cours de la première année et a persisté chez 17 % d’entre eux la deuxième année. Les maux de gorge ont atteint, cette première année, un taux de 64 % et les sinusites celui de 45 %, à comparer à des taux respectifs de 3 et 4 % avant les événements. Les manifestations de dyspnée et de respiration sifflante se sont également considérablement accrues dans l’année qui a suivi le 11 septembre par rapport à la période antérieure, avec des taux respectifs de 40 % contre 3 % et 34 % contre 1 %. Ces symptômes ont continué à augmenter au cours de l’année suivante et étaient toujours élevés au bout de quatre ans.
De même, un déclin très important de la fonction respiratoire mesurée par spirométrie, et observé chez les pompiers et les sauveteurs, dès la première année qui a suivi le 11-septembre, a persisté même chez les non-fumeurs. Il a été estimé que six ou sept ans après les attaques, le nombre de pompiers qui avaient des fonctions respiratoires anormales pour leur âge était quatre fois plus important que lors de la période antérieure aux attentats et, que celui des sauveteurs dans la même situation avait doublé par rapport à cette période, remarque le Dr Thomas Farley sur le site du DSHMNY. Les chiffres d’incidence cumulée présentés par l’équipe du Dr Juan Wisnivesky sont, après neuf ans, 28 % pour l’asthme, 42 % pour la sinusite, 39 % pour le reflux gastro-œsophagien (RGO) et 42 % pour les difficultés respiratoires se traduisant par des anomalies spirométriques.
° Effet de dose et comorbidités
Dix ans après le 11-septembre, les prévalences de SPT et de certaines maladies respiratoires ont été confirmées par un très grand nombre d’études et un effet de dose, conclut Sharon Perlman. Souvent ces conditions physiques et mentales coexistent. Une corrélation a été établie entre une exposition intense et prolongée et une aggravation globale de la maladie et de l’invalidité. Les sauveteurs, les volontaires et les ouvriers de Ground Zero, et en particulier ceux qui y sont arrivés dès le 11 ou y ont travaillé le plus longtemps, étaient plus susceptibles de développer des maladies respiratoires que les autres groupes. Les risques de SPT ont été liés à la proximité au WTC le jour des attaques, au fait de vivre ou d’habiter au sud de Manhattan, à la participation aux travaux de sauvetage ou d’intervention sur les ruines, à la perte d’un époux dans les attentats, et à un isolement social. Ces résultats sont aussi en accord avec ceux obtenus avec la cohorte la plus fiable, celle des pompiers de New York, dont tous les participants sont connus et inscrits sur une liste, dont l’activité est documentée et qui sont soumis à des visites médicales obligatoires tous les dix-huit mois approximativement, ce qui donne accès à leur statut médical avant l’événement.
° Des recherches encore nécessaires
En revanche, les chercheurs du DSHMNY expriment des réserves en ce qui concerne d’autres pathologies qui ont été associées au 11 septembre, tels que dépression, anxiété, abus de substance, RGO et sarcoïdose notamment. En effet, disent-ils, bien que souvent composées d’un grand nombre d’individus et étalées dans le temps, la plupart des études de cohortes comportent de nombreuses limites. Elles reposent couramment sur l’autosélection des individus qui les composent, ne disposent pas de méthodes quantitatives pour évaluer les symptômes, ont fréquemment recours à une description des symptômes et des diagnostics par les personnes affectées. D’autre part, la collecte d’informations a, dans bien des cas, commencé des mois ou des années après les événements, les rendant susceptibles à la faillibilité de la mémoire. De plus, ces recherches d’information n’ont pris en compte que des données postérieures au 11-septembre avec peu d’informations sur des facteurs contributifs qui auraient pu précéder cette date. En outre, une autre difficulté inhérente à ces études est que le nombre et la composition de la population touchée par le désastre ne sont pas vraiment connus.
Enfin, constate l’équipe de Sharon Perlman, il y a des lacunes. Quelques études ont été faites sur l’anosmie, l’apnée du sommeil et les maladies cardiaques, mais plus de recherches seront nécessaires dans ce domaine, ainsi qu’en ce qui concerne la santé des enfants et des adolescents.
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