LE CANCER colo-rectal survient dans près de 50 % des cas chez des patients âgés de plus de 75 ans, une population exclue des campagnes de dépistage qui ne concernent que les moins de 75 ans. Les difficultés de l’évaluation gériatrique constituent l’une des problématiques de la prise en charge de ces patients. Des formes cliniques trompeuses, un retard dans le diagnostic et dans la prescription du traitement expliquent que ces patients ne bénéficient pas d’une prise en charge optimale. Ils restent encore trop souvent sous-traités par crainte excessive des complications thérapeutiques.
Les principes du traitement sont les mêmes que chez les plus jeunes, avec une efficacité et une tolérance comparables chez les patients âgés sélectionnés ; les objectifs poursuivis étant la guérison du patient, la prolongation de sa survie ou le maintien de sa qualité de vie. Outre l’avis du patient, qui reste toujours primordial, il est indispensable de tenir compte du terrain, notamment les modifications physiologiques liées à l’âge et les comorbidités. Tous les patients n’auront pas un traitement spécifique de leur cancer, mais il est important de ne pas récuser un patient du fait de son âge. Pour cela, une évaluation gériatrique est nécessaire. Elle permet de classer le patient (classification de L. Balducci et M. Extermanne) en :
– groupe 1, sujet « harmonieux », en bon état général, sans comorbidité sévère ou non stabilisée, parfaitement autonome, pour qui un traitement spécifique de la tumeur est possible ;
– groupe 2, sujet « intermédiaire » avec des comorbidités, mais autonome, chez qui le bénéfice espéré de la chirurgie ou de la chimiothérapie n’est pas encore bien défini ;
– groupe 3, sujet « fragile » avec des comorbidités sévères, dépendant, pour qui un traitement spécifique de la tumeur n’est pas justifié, mais qui aura un traitement symptomatique optimal.
Une étude rétrospective (O. Dubreuil, T. Cudennec et coll.) a été menée chez 61 patients de plus de 70 ans atteints d’un cancer digestif avancé afin de comparer la proposition thérapeutique du gériatre à celle du gastro-entérologue. La proposition thérapeutique était consensuelle dans les groupes 1 (chimiothérapie) et 3 (traitement symptomatique), mais restait problématique dans le groupe 2. Dans ce groupe, 50 % des patients ont eu une chimiothérapie, leur pronostic se rapprochant alors de celui du groupe 1 ; les autres, un traitement symptomatique, les rapprochant du groupe 3.
Des divergences ont été notées dans 22,6 % des cas : les gériatres appuyaient leur décision sur l’évaluation gériatrique et proposaient une chimiothérapie, tandis que les gastro-entérologues proposaient un traitement symptomatique, s’appuyant sur le pronostic et le bénéfice potentiel du traitement selon le type de tumeur.
Le seul traitement curatif est la chirurgie.
Une intervention chirurgicale est indiquée en cas de cancer localisé. Quand elle est réalisable, elle doit être proposée aux patients en bon état général. Malheureusement, la mortalité postopératoire est plus élevée car l’intervention a souvent lieu dans un contexte d’urgence. À la chirurgie peut être associée une chimiothérapie adjuvante, en cas de cancer colique avec envahissement ganglionnaire ou métastases à distance. La survie globale à 5 ans des patients opérés est de 50 %. Elle dépend du stade histologique de la tumeur et de la qualité de la résection. Les récidives surviennent dans les deux ans dans 70 % des cas. En cas de volumineuse tumeur rectale située à moins de 10 cm de la marge anale, la chirurgie fait suite à une radiothérapie ou une chimiothérapie préopératoire. Une chimiothérapie adjuvante sera proposée en cas de métastases ganglionnaires. Enfin, 15 % métastases hépatiques sont accessibles à la chirurgie, permettant une survie à 5 ans › 30 %. Le recours à la chimiothérapie adjuvante permet d’obtenir le même taux de survie à 5 ans (autour de 65 %) que le patient soit jeune ou âgé.
La chimiothérapie chez des patients sélectionnés.
Jusqu’à il y a peu de temps, les patients de plus de 75 ans étaient exclus des essais thérapeutiques du fait de l’existence de comorbidités associées et, par conséquent, d’un pronostic plus réservé. En outre, la crainte d’une toxicité, notamment hématologique, constituait un frein alors que ces patients auraient pu bénéficier d’un traitement adapté. D’après les données du registre des tumeurs digestives du département de la Côte-d’Or durant la période 1997-1998, le pourcentage de patients à qui une chimiothérapie adjuvante a été administrée a été de 4,9 % dans le cas d’une tumeur colique stade II opérée à visée curative et de 24 ,4% en cas de tumeur stade III, chez les plus de 75 ans et de, respectivement, 47,3 % et 86,1 % chez les moins de 65 ans.
Grâce à la collaboration entre les gériatres et les oncologues, des études ont montré que la chimiothérapie standard est efficace et bien tolérée chez des patients âgés sélectionnés. Néanmoins, la toxicité sur un terrain un peu fragilisé impose une surveillance plus rapprochée. Une étude est actuellement en cours dans les cancers colo-rectaux métastatiques de patients de plus de 75 ans. Elle a pour objectif d’évaluer l’efficacité et la tolérance d’une chimiothérapie simple à base de fluorouracil (5-FU) à une chimiothérapie plus intense avec le protocole FOLFIRI, un des standards de la chimiothérapie adjuvante chez les plus jeunes. Les résultats préliminaires montrent que le FOLFIRI a une efficacité comparable à celle du 5-FU, tout en étant un peu plus toxique. Des essais prospectifs spécifiques, incluant une évaluation gériatrique et une analyse de la qualité de vie des patients, semblent nécessaires.
D’après un entretien avec le Pr Emmanuel Mitry, hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt.
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