PAR LE Pr PHILIPPE HUMBERT*
Une place de plus en plus importante pour les lymphocyte Th17. On connaît bien les sous-populations des lymphocytes CD4 qui sont les Th1 et les Th2. Une nouvelle famille de lymphocytes T CD4 joue un rôle important dans les pathologies dermatologiques. Il s’agit des lymphocytes Th17 ainsi désignés car ils sont responsables de la libération d’interleukine 17 en réponse à un grand nombre de pathogènes. Cette interleukine 17 semble impliquée dans l’autoimmunité car des taux importants ont été observés au cours de la polyarthrite rhumatoïde, de la sclérose en plaques, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et du psoriasis. Plus récemment, des taux importants d’IL17 ont été observés au cours de la dermatite atopique, taux d’autant plus importants que celle-ci est sévère.
Quels sont les rôles de cette interleukine ? Elle faciliterait la migration des autres lymphocytes T dans le tissu cible, induirait une inflammation en coordonnant et stimulant l’action de cytokines pro-inflammatoires (IL6, IL8, TNF-alpha, IL1-bêta…) et en augmentant la production de peptides antimicrobiens par le kératinocyte.
Les peptides anti-microbiens : des antibiotiques naturels de la peau.
Les peptides antimicrobiens sont le thème de nombreux travaux de recherche, notamment en dermatologie. En effet, ils jouent un rôle majeur dans l’immunité innée en ayant la capacité d’inhiber la croissance microbienne et d’activer la réponse immunitaire adaptative et cellulaire. Ces petits polypeptides sont représentés essentiellement par les défensines et la cathélicidine qui agissent en activant le chimiotactisme des polynucléaires, en stimulant l’angiogénèse et en accroissant l’expression des composants de la matrice extracellulaire. Ces différentes activités ont permis de démontrer le rôle de la cathélicidine dans la survenue de la rosacée. En effet, l’injection de peptides de cathélicidine à une souris crée une inflammation telle que des lésions rosacéiformes vont apparaître. Les cathélicidines représentent ainsi des cibles thérapeutiques dans différentes affections dermatologiques.
Un rôle méconnu des mastocytes.
Si le rôle des mastocytes dans l’initiation et le maintien de l’anaphylaxie et leur implication dans des maladies autoimmunes telles que la polyarthrite rhumatoïde, la sclérodermie systémique est bien établi, leur capacité à tuer des microbes et à modifier les réponses de l’immunité adaptative est moins connue. C’est par le biais des cathélicidines exprimées au sein du mastocyte que cette cellule peut avoir une action destructrice à l’égard du streptocoque A. Notons que la dégranulation des mastocytes inhibe la capacité de ceux-ci à détruire les bactéries.
Place des cellules dendritiques plasmacytoïdes dans le psoriasis.
Les cellules dendritiques comprennent deux sous-groupes : les cellules dendritiques myéloïdes et les cellules dendritiques plasmacytoïdes (CDP). Ces dernières expriment les Tolls récepteurs TLR7 et TLR9. Les TLR sont des récepteurs intracellulaires qui reconnaissent les acides nucléiques viraux ou bactériens au sein des compartiments endosomiaux. Les CDP induisent ainsi une réponse immunitaire de type 1 (IFN) et ne réagissent pas habituellement à l’ADN du soi, ADN incapable d’agir seul avec les TLR. En revanche, on sait que ces CDP peuvent être activées par des complexes immuns circulants de type autoanticorps-acide nucléique. Le mécanisme de cette reconnaissance passe par le rôle d’un peptide de la cathélicidine (LL37) qui, se liant à l’ADN, va permettre la formation de ce complexe capable de se lier aux TLR9, induisant la réponse autoimmune. Or, LL37 est surexprimée en cas de psoriasis. Il se pourrait donc que le phénomène de Koebner libère des antigènes ADN qui, en se liant à LL37, conduisent à la stimulation de la CDP responsable de la réaction immunitaire et inflammatoire.
Pourra-t-on un jour cicatriser sans cicatrice ?
Les plaies de peau ftale cicatrisent sans cicatrice. Le mécanisme qui régit ce phénomène n’est pas connu. Une certaine population de cellules vient d’être découverte dans le sang ftal, au sein du derme : il s’agit des dot-cells. Ces cellules expriment une molécule d’adhésion E-cadhérine et sont capables de migrer dans les plaies. Elles contribuent ainsi à la réparation tissulaire. Ces cellules pourraient être des cellules primitives ou des cellules souches, qui, une fois migrées sur le lieu de la plaie, se différencient en cellules dermiques et relarguent du collagène interstitiel réduisant ainsi la cicatrice. En injectant de telles cellules dans une plaie chez la souris, il devrait être possible d’observer une cicatrisation sans cicatrice.
Du stress à la pelade.
Le rôle de la substance P est fortement souligné comme étant le facteur responsable du lien entre le stress et la survenue d’une pelade. La substance P est un neuromédiateur cutané, facteur de croissance pour les kératinocytes en culture dont l’expression est augmentée dans la phase anagène du cycle pilaire. Or la substance P recrute aussi les lymphocytes CD8 dans le follicule, induisant une inflammation neurogène périfolliculaire et une régression catagène du follicule anagène. Un nombre plus important de fibres nerveuses substance P+ est observé dans la pelade aux stades de début. Cette surexpression de la substance P pourrait créer les conditions du développement de la pelade par le recrutement de cellules immunitaires sur le site inflammatoire et par la sécrétion de cytokines.
Un virus serait-il à l’origine de la tumeur de Merkel ?
La tumeur de Merkel est un cancer neuroendocrine rare mais agressif qui touche préférentiellement les personnes âgées ou immunodéprimées. Les techniques de soustraction génomique et de comparaison de l’ADN de la tumeur à des banques d’ADN ont permis de découvrir la présence d’un ADN viral au sein des cellules tumorales. Il s’agit d’un polyomavirus, petit virus à double brin d’ADN codant pour une oncoprotéine. Les polyomavirus sont connus depuis 1953, mais c’est la première fois que l’un d’entre eux est impliqué dans la genèse d’une tumeur cutanée. Ces polyomavirus sont des virus largement distribués dans le monde animal et se transmettraient à l’homme à partir des fèces ou des urines des animaux, ou encore par l’ingestion de viande crue ou de toute autre forme de produit animal. Ces virus pourraient être oncogènes. Ils ont en effet été impliqués dans des cas de tumeurs cérébrales, de néphroblastomes, d’ostéosarcomes, de fibrosarcomes et de lymphomes. Plus récemment, il a été proposé qu’un polyomavirus joue un rôle dans la survenue de la leuco-encéphalopathie multifocale chez l’immunodéprimé.
*Service de dermatologie
Laboratoire de Biologie Cutanée, INSERM U645
CHU St Jacques, Besançon
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