Le cancer de la prostate, un des plus fréquents chez l'homme, est responsable de 25 % des tumeurs masculine, avec annuellement 50 000 nouveaux cas et près de 10 000 décès. Au stade localisé, chirurgie et radiothérapie prédominent, alors qu’en métastatique les traitements sont surtout médicamenteux. « Dans ce cadre, l’arrivée des nouvelles hormonothérapies est venue bouleverser la donne. Aux agonistes et antagonistes de la LHRH (thérapie de privation androgénique, ADT) venant bloquer l'axe hypothalamo-hypophysaire, sont venus s'ajouter de nouvelles hormonothérapies (NHT) inhibant la fixation de la testostérone à ses récepteurs (apalutamide, enzalutamide, darolutamide) ou sa synthèse à partir du cholestérol (abiratérone acétate). Ils sont extrêmement efficaces en ajout aux ADT », résume le Pr Stéphane Oudard (hôpital européen Georges Pompidou, Paris).
Chirurgie et radiothérapie limitées
Les traitements focaux ont des indications limitées dans les formes métastatiques. « La radiothérapie prostatique est envisageable depuis peu, suite à l'étude STAMPEDE, dans les formes métastatiques de faible volume tumoral (critères de CHAARTED) en association à un doublet antihormonal par ADT/NHT (1), précise le Pr Oudard. La radiothérapie stéréotaxique peut s’avérer utile dans les formes oligo-métastatiques, selon des études de phase 2 en attente de confirmation en phase 3 »(2).
Formes hormonosensibles : double ou triple association
« Dans les formes métastatiques hormonosensibles naïves, les NHT ayant fait leurs preuves dans de multiples essais (ARCHES, ENZAMET pour l’enzalutamide, TITAN avec l’apalutamide, LATITUDE pour l’acétate d’abiratérone), on est passé d'une monothérapie par ADT à une bithérapie ADT-NHT, détaille le Pr Oudard. Ces bithérapies sont recommandées en première ligne, chez tous les patients à faible ou fort volume tumoral, métachrone ou synchrone. Elles viennent majorer d'environ 30 % la survie globale (SG). Néanmoins, en présence de formes métastatiques hormonosensibles à risque élevé ou fort volume tumoral (maladie agressive), on privilégie des trithérapies ADT-NHT et docétaxel. Ces triplets ayant fait leurs preuves récemment dans les études PEACE-1 (avec l’acétate d’abiratérone) et ARASENS (darolutamide) » (4,5).
Hormonorésistance : taxane, anti-PARP ou lutetium ?
En seconde ligne métastatique après échec des doublets ADT-NHT, une chimiothérapie par docétaxel est proposée. Mais que faire après échec au triplet ADT-NHT-docétaxel ou au docétaxel en seconde ligne ? « Désormais, un autre taxane, le cabazitaxel, est indiqué en rattrapage. En effet, il fait mieux que la reprise d'une hormonothérapie de nouvelle génération, comme l'a démontré l'étude CARD (5). Ceci est probablement dû à l’installation de résistances croisées entre les hormonothérapies, à un stade avancé de la maladie », explique le Pr Oudard. « Enfin, chez les patients âgés, l'administration de cabazitaxel (16 mg/m²) tous les 15 jours, accompagné des facteurs de croissance hématologiques, est préférable au schéma classique (25 mg/m²) toutes les trois semaines », relève le Pr Oudard. Chez les plus de 65 ans, l'étude CABASTY a en effet montré que le schéma tous les 15 jours améliorait la tolérance, avec moins de neutropénies sévères (grade ≥ 3) ou compliquées d'infection. De plus, il n’a pas été observé de perte d'efficacité clinique : pas de différences en termes de taux de réponse biologique, survie sans progression (SSP) ou SG (6). « Il faut donc privilégier ce schéma chez les patients âgés, fréquents à ce stade de la maladie », commente le Pr Oudard.
Quant aux inhibiteurs de PARP (iPARP) comme l’olaparib, ils ont une place au stade métastatique résistant à la castration de la maladie, en cas de mutations BRCA 1 et 2. Ceci a été montré par l’étude PROFound, avec un avantage de l’iPARP versus NHT (en termes de SSP et de SG), ainsi que l'essai PROpel comparant iPAR-abiratérone versus iPARP-placebo, dans ces formes métastatiques hormonorésistantes (7,8). « Leur place en phase plus précoce reste pour sa part à préciser », précise néanmoins le Pr Oudard. Des études de phase 3, stratifiées sur la présence de mutations BRCA 1 et 2, explorent leur intérêt en première ligne sous forme de triple association (iPARP-ADT-NHT).
Enfin, de nouvelles radiothérapies vectorisées ciblent le récepteur à l’antigène membranaire spécifique de la prostate (PSMA), présent sur les cellules tumorales. Des études de phase 2 montrent une efficacité antitumorale intéressante du 177lutetium-617 PSMA . Au stade métastatique hormonorésistant, l’étude de phase 3 VISION a même montré un allongement des SSP et SG sous lutetium, versus NHT (9).
(1) Parker CC et al. PLOS 2022; doi.org/10.1371/journal.pmed.1003998.
(2) Pollack A et al. Lancet 2022;399:1886-1901.
(3) Fizazi K et al. Lancet 2022;399:1695-1707.
(4) Smith MR et al. NEJM 2022;386:1132-42.
(5) De Wit R et al. NEJM 2019;381:2506-18.
(6) Oudard S et al. ESMO 2022, abst 1363M0.
(7) De Bono J et al. NEJM 2020;382:2091-2102.
(8) Clarke NW et al. NEJM Evid 2022;1.
(9) Sartor O et al. N Engl J Med. 2021 Sep 16;385(12):1091-1103.
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