Le microbiote joue un rôle dans la réponse immunitaire contre le cancer. Deux bactéries intestinales spécifiques boostent la chimiothérapie, selon des chercheurs Inserm/Gustave Roussy en collaboration avec le CNRS, l'Institut Pasteur Lille et les universités Paris Sud et de Lille.
L'équipe coordonnée par le Pr Laurence Zitvogel, directrice de l'unité « Immunologie des tumeurs et immunothérapie » à Gustave Roussy et Mathias Chamaillard, directeur de recherche Inserm « Centre d'infection et immunité de Lille », démontre dans une étude publiée dans « Immunity » que les bactéries E. hirae et B. intestinihominis potentialisent la réponse immunitaire induite par le cyclophosphamide.
Des études récentes avaient montré que certaines bactéries intestinales favorisent la croissance des tumeurs, tandis que d'autres contribuent à rendre plus efficaces certains traitements anti-cancéreux, comme le cyclophosphamide, l'oxaliplatine ou l'immunothérapie anti-PD1 et un anti-CTL4.
L'idée in fine est de « rendre répondeurs des patients non-répondeurs en les supplémentant avec un médicament adjuvant dérivé de ces bactéries, qualifié d'onco-microbiotique », explique Mathias Chamaillard. À chaque agent anticancéreux correspondent des bactéries spécifiques sachant que l'effet de ces bactéries peut ne pas être le même selon le type de cancer.
Les chercheurs ont réussi à identifier que le mécanisme en jeu dans l'effet attribué au microbiote repose sur l'activation de l'immunité anti-tumorale. « Le cyclophosphamide endommage la barrière épithéliale intestinale, qui devient plus poreuse, explique Mathias Chamaillard. Des bactéries du microbiote transloquent alors dans la circulation générale, ce qui active les cellules immunitaires TCD8 productrices d'interféron gamma via les cellules présentatrices d'antigènes. Toutes les bactéries transloquées n'entraînent pas ce type de réponse ».
Une mémoire immunitaire efficace
Dans leur dernière étude, les chercheurs ont validé l'approche dans plusieurs modèles précliniques en montrant que l'administration orale de E. hirae optimise la réponse immunitaire anti-tumorale induite par le cyclophosphamide. L'effet était le même avec un traitement oral de B. intestinihominis.
L'équipe a étudié le profil des lymphocytes de 38 patients ayant un cancer de l'ovaire ou du poumon traités par chimio-immunothérapie. Leur découverte est étonnante. La présence de lymphocytes T mémoire spécifiques de E. hirae et B. intestinihominis permet de prédire la période pendant laquelle le cancer ne va pas progresser, pendant et après un traitement anti-cancer.
« L'efficacité d'un traitement anticancéreux repose sur une interaction complexe entre le microbiome du patient et sa capacité à élaborer une mémoire immunitaire efficace contre certaines bactéries du microbiote intestinal, explique Mathias Chamaillard. Les patients non répondeurs au cyclophosphamide ont une incapacité à produire de l'interféron gamma. En l'absence de ces bactéries spécifiques dans le tube digestif, il n'y a pas de réponse à l'interféron gamma ».
De nouvelles pistes thérapeutiques s'ouvrent avec les onco-microbiotiques. « C'est l'ère de la médecine personnalisée, poursuit Mathias Chamaillard. L'adjuvant onco-microbiotique sera adapté au contexte du patient. On s'achemine vers un examen de la flore intestinale du patient avant et pendant le traitement. L'usage des antibiotiques devra être rationalisé dans l'optique de ne pas compromettre l'efficacité de la chimiothérapie ».
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?