Les registres CCC19 (Covid-19 et Cancer Consortium) et TERAVOLT (Thoracic Cancers International Covid-19 Collaboration), présentés lors de la session « Cancer Care in the Time of Covid : Assessing Impact and Future Directions » ont recueilli des données sur l’impact du Covid-19 chez les patients atteints de cancer, leur pronostic et ses facteurs prédictifs, et les éventuelles conséquences en termes de stratégie thérapeutique.
CCC19, une mortalité de 13 %
Le CCC19 (1) a colligé aux États-Unis 928 cas de patients atteints de cancer et testés Covid+. Les localisations tumorales les plus fréquentes étaient le sein (20 %), la prostate (16 %), l’appareil digestif (12 %), thoracique (10 %) et les lymphomes (11 %). Près de la moitié (43 %) de ces patients avait une tumeur active, 39 % étaient sous traitement anticancéreux et 45 % en rémission.
Parmi eux, 26 % ont fait des formes graves (décès, hospitalisation, recours à la ventilation assistée) et 13 % sont décédés. « Ce taux de mortalité est significativement plus élevé que dans la population générale, indique le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer (Centre Léon Bérard, Lyon). Il est en accord avec les études précédentes qui rapportent 20 à 30 % de mortalité par Covid en cas de cancer ».
Le risque de décès à 30 jours était significativement associé à l’âge (25 % de mortalité après 65 ans), au sexe masculin (risque multiplié par 1,63), aux antécédents de tabagisme (risque multiplié par 1,6) et à l’état général (risque multiplié par 2,7 pour un statut de performance [PS] ECOG 2 et par 5,3 pour les PS 3 à 4). Par rapport à un patient en rémission, la présence d’un cancer actif multipliait le risque de décès par 1,79 s’il était stable ou répondait au traitement, par 5,2 en cas de maladie évolutive. Par contre, le type de tumeur, l’ethnie, l’obésité, le nombre de comorbidités, la notion de chirurgie récente et le traitement anticancéreux n’étaient pas des facteurs de risque significatifs.
« La prise d’azithromycine et d’hydroxychloroquine était selon l’étude associée à un risque de mortalité multiplié par près de 3, mais il existe vraisemblablement des biais… Des études prospectives sont nécessaires pour évaluer l’efficacité et la tolérance de ces traitements », commentait prudemment le Dr Jeremy L. Warner (États-Unis) qui présentait l’étude. Les données devraient s’enrichir et évoluer au fur et à mesure de l’inclusion de nouveaux patients dans ce registre.
TERAVOLT, 33 % de décès dans les cancers thoraciques
Le registre international TERAVOLT (2,3) a analysé les données de 400 patients atteints de tumeurs thoraciques malignes (mésothéliome, cancer du poumon, du thymus, tumeurs carcinoïdes) avec un Covid-19, confirmé par PCR ou fortement suspect d’après la clinique ou l’imagerie. La mortalité atteignait plus de 33,3 %, en majorité (89 %) due aux complications du Covid liées à un terrain à haut risque : âge avancé, antécédents de tabagisme, comorbidités et lésions pulmonaires préexistantes (favorisant le développement de micro-thrombi au niveau du tissu pulmonaire fragilisé).
Comme dans les autres registres (4), les facteurs prédictifs de mortalité sont l’âge (risque multiplié par 1,70 après 65 ans), le statut ECOG et l’activité du cancer. Par contre, on ne retrouvait aucune influence du sexe, de l’IMC, du statut tabagique, du type de cancer ou de son stade.
Concernant les traitements anticancéreux dans les trois mois précédents, la chimiothérapie (seule ou associée) augmentait significativement le risque de mortalité de 64 %, mais pas l’immunothérapie, ni les thérapies ciblées. À noter que les traitements antérieurs au Covid par corticoïdes ou anticoagulants étaient également associés à un risque accru de décès. Par contre, les divers traitements utilisés contre le Covid-19 ne semblent pas avoir modifié la mortalité.
« D’autres perspectives de recherche s’ouvrent maintenant, celle des conséquences de l’épidémie de Covid et du confinement sur la mortalité par cancer, du fait du retard au diagnostic –qui serait de 50 %- et de la non-inclusion des patients dans des essais cliniques », concluait le Pr Blay.
(1) Warner J. L. et al, ASCO 2020, abstract LBA110
(2) Horn L. et al. ASCO 2020, abstract LBA111
(3) Garassino M.C. et al. Lancet Oncol 2020 https://doi.org/10.1016/ S1470-2045(20)30314-4
(4) Zhou F. et al. Lancet. 2020; 95:1054–62
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