DEPUIS PLUSIEURS années, le dépistage du cancer de la prostate est sujet à polémique. En apportant la preuve du bénéfice sur la mortalité, les résultats très attendus de l’étude européenne The European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer (ERSSPC) permettent de jeter les bases d’une réflexion commune. « Le plus important est de délivrer une information claire aux patients : oui il est bénéfique de se faire dépister. Actuellement, l’Association Française d’Urologie (AFU) propose le dépistage par le toucher rectal et le dosage des PSA total chez tous les hommes entre 50 et 75 ans, et à partir de 45 ans dans certains groupes à risque. Désormais convaincues du bénéfice à dépister, les tutelles et les sociétés savantes vont pouvoir travailler ensemble. Des programmes communs sont d’ailleurs déjà lancés. Ces résultats ont le grand mérite d’ouvrir des perspectives, notamment avec la Haute Autorité de Santé (HAS) », explique le Dr Xavier Rebillard, urologue et l’un des coordonnateurs du bras français de l’étude (Montpellier, Lille et Toulouse).
Huit pays participants.
Cette étude menée dans 8 pays européens ne laisse en effet aucun doute. Se faire dépister diminue de 20 % le risque de mourir d’un cancer de la prostate. À noter que pour la faisabilité de l’étude, le dépistage a reposé sur le seul dosage des PSA. « Il ne faut pas se laisser troubler par les résultats contradictoires de l’étude américaine PLCO (Prostate, Lung, Colorectal, Ovarian) publiée dans le même numéro du New England Journal of Medicine, avertit l’urologue. Malgré l’hétérogénéité de la population recrutée, l’étude européenne ERSSPC est beaucoup plus solide sur le plan méthodologique. Plus de 160 000 sujets ont été inclus versus 70 000 dans la PLCO. Les Américains n’avaient pas prévu qu’il y aurait un tel taux de dépistage alternatif par le biais de prescriptions individuelles ou d’autres protocoles universitaires. Ainsi le groupe témoin ne l’était plus vraiment et était en quelque sorte "pollué". En conséquence, le calcul de la population à recruter s’est trouvé faussé. Leur étude a manqué de puissance statistique pour montrer une différence entre les deux groupes. De plus, il n’y avait pas de protocole préétabli pour la conduite à tenir. Une fois le dépistage effectué, chacun faisait selon ses habitudes pour la prise en charge. » Autre faiblesse de l’étude américaine : la sous-représentation des populations minoritaires souvent socialement défavorisées et peu sensibilisées à l’intérêt de participer à l’essai. « Pourtant, on sait que l’origine ethnique peut être un facteur de risque. Les Afro-Américains ont davantage de cancers agressifs. En miroir, en France, l’AFU recommande d’ailleurs de dépister les sujets antillais dès l’âge de 45 ans », rappelle le spécialiste.
Des programmes institutionnels.
« L’étude ERSSPC n’est pas finie. On attend encore les résultats sur la qualité de vie et les coûts dans trois ans. Un des problèmes posés par le dépistage est en effet de révéler des cancers peu significatifs sans agressivité immédiate… On parle beaucoup de la surveillance rapprochée et des traitements focaux. Ce seront des questions, parmi d’autres, auxquelles il va falloir répondre », précise le Dr Rebillard. En tout cas, le mouvement semble lancé.
À paraître prochainement, le rapport collectif de l’Office Parlementaire des Politiques de Santé (OPEPS) devrait faire des propositions d’améliorations du dispositif actuel de dépistage et de traitement précoce du cancer de la prostate. Parallèlement, l’Institut National du cancer (INCa) est à l’initiative du programme d’action intégrée de recherche (PAIR) et en définit actuellement les axes prioritaires. Un premier rapport est prévu pour juin 2009. C’est enfin à la lumière de ces différents travaux que la HAS, l’INCa et l’AFU projettent de réétudier ensemble les recommandations sur le dépistage et la prise en charge du cancer de la prostate.
The New England Journal of Medicine, 26 mars 2009.
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