Dr Philippe Bergerot (Ligue contre le cancer) : « Des fiches vont aider à prescrire des soins de support efficaces et reproductibles »

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Publié le 22/10/2024
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La Ligue contre le cancer a signé le 16 octobre 2024 une convention pour établir un référentiel des interventions non médicamenteuses dans le cancer. Le projet soutenu aussi par l’Assurance-maladie a été présenté au congrès de la société savante internationale NPIS qui en est à l’initiative.

LE QUOTIDIEN : Pourquoi écrire un référentiel des interventions non médicamenteuses dans le cancer ?

Pr PHILIPPE BERGEROT : Ce sera le premier référentiel de ce type, une petite révolution en cancérologie ! Si les soins de support sont intégrés de façon officielle et obligatoire pour les établissements depuis le premier plan cancer en 2003, ils ne sont toujours pas normés. Le panier de base défini par l’Institut national du cancer (Inca) comporte entre autres un suivi psychologique et social, de la nutrition et de l’activité physique adaptée (APA). Il est nécessaire d’uniformiser les pratiques pour que les soins proposés tendent vers les chiffres d’efficacité maximale affichés dans les études.
Prenons par exemple l’APA, de nombreuses études ont démontré qu’elle diminue le nombre de récidives dans les cancers du sein et du côlon (et sans doute de la prostate) et augmente la survie. Des données existent, mais rien n’est vraiment normé : combien de séances faut-il prescrire ? À quelle fréquence ? Quels types d’exercice ? Faire de l’activité physique est toujours bon pour la santé mais pour qu’elle ait les bénéfices attendus dans l’indication, ce n’est pas au bon vouloir de chacun. Autre exemple avec le drainage lymphatique pour le lymphœdème après un cancer du sein, la kinésithérapie est spécialisée, il faut réaliser les bons gestes.
Faire en sorte que cela devienne une véritable prescription, sérieuse et à moindre coût, tel est le travail méthodologique que va réaliser le chercheur en épidémiologie et en santé publique Grégory Ninot (université de Montpellier/Inserm), avec la société savante internationale Non Pharmacological Intervention Society (NPIS), dont il est le président.
L’objectif est d’avoir une sorte de Vidal pour les interventions non médicamenteuses, en les modélisant pour qu’elles soient reproductibles. Le programme prévoit une douzaine de fiches validées pour le congrès 2025 de la NPIS, c’est un investissement sur plusieurs années. La Ligue participe à ce projet de recherche à hauteur d’environ 500 000 euros sur trois ans.

Comment le secteur accueille-t-il ce projet ?

Ce référentiel sera élaboré en coordination avec des autorités sanitaires et avec l’appui d’acteurs académiques et de complémentaires santé. L’Assurance-maladie est partenaire avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), PRO BTP et la mutuelle Harmonie.
La Ligue ne peut pas produire toute seule ce travail. La rédaction est sous la responsabilité de la NPIS avec comme chef d’orchestre le chercheur Grégory Ninot.
Avant de nous engager, nous nous sommes assuré du soutien des fédérations avec qui nous allons signer des conventions et des experts, et en particulier de l’Association francophone des soins oncologiques de support (Afsos), qui a déjà travaillé sur ces sujets.
L’Institut national du cancer (Inca) avec lequel la Ligue a des liens très étroits voit le projet d’un bon œil, ce d’autant qu’il travaille à des indicateurs pour les soins de support.
Les fiches sont d’abord destinées aux professionnels mais aussi aux usagers. La plateforme, qui hébergera les fiches, sera participative. Les fiches pourront évoluer.

Comment personnaliser l’offre de soins de support aux besoins des usagers ?

Seuls 15 à 20 % des patients adultes bénéficient de soins de support, c’est très insuffisant. Et ce sont le plus souvent les patients eux-mêmes qui en sont à l’initiative après avoir vu une affiche en salle d’attente ou après en avoir entendu parler. Il existe de réelles difficultés d'adressage. Pour beaucoup de médecins, comme pour les établissements, les soins de support, ce n’est pas une priorité. Ce n’est pas toujours aisé de coordonner tous les prestataires tout en veillant à la proximité des interventions.
Pourtant, c’est très important de prescrire en partant des besoins réels du patient, plutôt qu’en fonction de ce dont on dispose. L’Inca avait déjà publié sur le sujet mais sans grand écho. La Ligue s’est basée sur ce travail pour établir un logiciel en reprenant 30-40 items afin de pouvoir au mieux cerner les besoins des personnes malades qui viennent pour bénéficier de soins de support dans nos comités.

Propos recueillis par Dr Irène Drogou

Source : lequotidiendumedecin.fr