« On a longtemps eu du mal à laisser les femmes envisager une grossesse après un cancer du sein, de peur que la charge hormonale de la grossesse ne favorise les récidives. La crainte était encore plus importante pour une assistance médicale à la procréation (AMP) avec stimulation hormonale. L’an passé, des études ont largement montré que, chez les femmes tout-venant après cancer du sein, on peut arrêter l’hormonothérapie pour enfanter, sans surrisque de récidive. D’ailleurs, aucune étude menée sur ce thème avec conception naturelle, ou associée à une AMP, n’a jamais mis en évidence de surrisque de récidive. Il reste donc très théorique, explique le Dr Thomas Bachelot (Centre Léon Bérard, Lyon). On avait néanmoins très peu de données à ce propos chez les patientes mutées BRCA1/BRCA2, à plus haut risque de récidive. Cette étude présentée à l’Esmo Breast Cancer représente donc une importante avancée. »
Les auteurs ont colligé, dans une collaboration internationale, les données de près de 5 000 femmes BRCA1/2 ayant développé un cancer du sein avant l’âge de 40 ans, entre 2000 et 2020, dont plus de 600 ont par la suite fait une grossesse. Ils ont déjà publié l’année dernière que ces grossesses n’entrainaient pas de risque de rechute supérieur. Cette nouvelle analyse compare le risque de récidive chez celles ayant eu recours à une AMP (107 femmes) versus celles ayant enfanté naturellement (436 femmes). « Chez ces femmes, on ne met pas en évidence de surrisque de récidive associé à une AMP. On n’observe en outre pas non plus de différences en termes de complications au cours de la grossesse, si ce n’est que les femmes ayant eu recours à une AMP ont fait plus de fausses couches. », résume le Dr Bachelot.
Et de conclure : « En pratique clinique, on devrait donc pouvoir désormais proposer le recueil d’ovocytes avant chimiothérapie chez les femmes BRCA1/BRCA2, comme on le propose aux femmes non mutées. L’avantage à ce recueil préalable étant double : on préserve les ovocytes et faire le prélèvement avant de débuter la chimiothérapie réduit l’éventuel impact délétère de la stimulation. »
Une étude rétrospective internationale sur 20 ans
Cette cohorte rétrospective internationale fondée sur des données hospitalières (78 centres) a rassemblé les données des femmes de moins de 40 ans ayant développé un cancer du sein BRCA1/BRAC2 de stade I-III, entre janvier 2000 et décembre 2020.
Sur les 4 732 patientes de cette cohorte, 543 ont eu une grossesse après leur cancer. C’est sur elles que porte l’analyse.
Parmi ces femmes, 436 ont conçu naturellement. En revanche, 107 ont eu recours à une AMP pour cette grossesse. Cette AMP a utilisé, dans près de la moitié des cas (41 %), des ovocytes/embryons congelés au moment du diagnostic de cancer. Mais, une fois sur trois, la stimulation ovarienne a eu lieu après les traitements anticancéreux. Enfin, une fois sur cinq (20 %), l’AMP repose sur un don d’ovocytes.
Comparativement aux femmes ayant enfanté sans AMP, ces femmes plus âgées au moment de leur grossesse (37 vs 34 ans), avaient plus souvent des tumeurs positives aux estrogènes (43 % vs 31 %) et ont attendu plus longtemps après le diagnostic avant de mettre en route une grossesse (4 vs 3 ans).
Globalement, à 9 ans de suivi, le recours à une AMP ne modifie pas la survie sans récidive. Et l’on n’a pas observé de différences, ni en termes de complications au cours de la grossesse (naturelle vs AMP), ni en termes d’issues fœtales, si ce n’est plus de fausses couches lors d’AMP.
Entretien avec le Dr Thomas Bachelot (Centre Léon Bérard, Lyon)
M Lambertini et al. Safety of assisted reproductive techniques in young BRCA carriers with a pregnancy after breast cancer: results from an international cohort study. ESMO Breast Cancer 2024
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