L’IDÉE QUE LES NERFS contrôlent la fonction des glandes salivaires nous est familière ; ce concept remonte aux expériences classiques de Pavlov, il y a plus de cent ans, qui conditionnait des chiens à saliver au son d’une cloche.
Une étude de Sarah Knox (National Institute of Dental and Craniofacial Research, NIH, Bethesda) et coll. montre maintenant que l’effet des nerfs sur ces glandes survient bien plus tôt qu’on ne pensait.... dès le développement embryonnaire.
Comme les autres organes, les glandes salivaires se développent à travers un processus qui requiert un signal réciproque entre l’épithélium et les cellules environnantes qui régule l’émergence et la croissance des nouveaux bourgeons.
Knox et coll. montrent que les bourgeons de la glande sous-maxillaire contiennent des cellules progénitrices pluripotentes. La prolifération et la différenciation de ces progéniteurs doit être étroitement équilibrée pour produire un organe aux dimensions correctes.
L’innervaiton parasympathique.
Les chercheurs ont cherché à savoir si l’innervation parasympathique pourrait jouer un rôle, car celle-ci apparaît parallèlement avec le développement des glandes salivaires ; de fait, les nerfs issus des ganglions parasympathiques se condensent autour des bourgeons salivaires dans la journée qui suit leur émergence.
Une série d’expériences a abouti à plusieurs constats. Lorsque les glandes sous-maxillaires de souris sont explantées et maintenues en culture en l’absence du ganglion nerveux, elles se développent moins bien, et les bourgeons sont moins nombreux. Il en est de même lorsque les glandes intactes explantées en culture sont traitées avec des inhibiteurs du signal acétylcholine.
Ils ont alors déterminé que la dénervation réduit le nombre des cellules progénitrices épithéliales, et altère leur morphogenèse. Cet effet peut être sauvé (ou prévenu) par l’addition d’un agoniste cholinergique (carbachol).
Leurs données suggèrent un modèle dans lequel la stimulation cholinergique, par le biais du récepteur muscarinique M1 et du récepteur pour l’EGF, maintient une population de progéniteurs prolifératifs K5+ dans la glande sous-maxillaire.
« Nos données démontrent que l’innervation parasympathique maintient les cellules progénitrices durant l’organogenèse épithéliale », notent les chercheurs.
Ils montrent de plus, in vitro, que la régénération épithéliale des glandes salivaires après la naissance requiert également la stimulation muscarinique des cellules progénitrices.
« Ce mécanisme de maintien des cellules progénitrices épithéliales pourrait être ciblé pour la réparation ou la régénérescence d’organe », concluent les chercheurs.
Des implications thérapeutiques.
Cette interaction nerf-cellule progénitrices pourrait effectivement avoir des implications thérapeutiques.
Un effet néfaste de la radiothérapie pour les cancers de la tête et du cou est l’atteinte irréversible des glandes salivaires. Ceci se traduit par une sécheresse de la bouche (xérostomie), un trouble qui limite la qualité de vie après la radiothérapie et est actuellement incurable. Comme l’expliquent dans un commentaire associé les Drs Jason Rock et Brigid Hogan (Duke University, Durham, Caroline du Nord), « on pourrait peut-être stimuler la régénération de la glande après irradiation, soit par une stimulation cholinergique pharmacologique locale de l’épithélium (qui héberge des cellules progénitrices), soit en favorisant la neurogenèse. Une prochaine étape importante sera de déterminer si cette approche favorise la croissance d’organe et la salivation in vivo ».
Enfin, ces résultats pourraient également s’appliquer à la croissance et la régénération d’autres organes. En effet, d’autres organes qui contiennent des cellules progénitrices K5+, comme la prostate, la peau, l’épithélium bronchique et la trachée, ainsi que les bourgeons du goût, sont innervés par le système nerveux parasympathique périphérique.
Science du 24 septembre 2010, Knox et coll., Rock et coll.
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