Dans la prise en charge du cancer, les inégalités de genre tuent, selon un travail mené par le groupe d'experts dédiés du Lancet Global Health. Le comité est présidé par la Dr Isabelle Soerjomataram, qui co-dirige la branche du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) ; il croise l'expertise de spécialistes en cancérologie, en droit, en sciences sociales, en économie, en études de genre, en droits humains et en épidémiologie des cancers.
En s'appuyant sur la base de données Globocan 2020, les auteurs ont estimé que 5,3 millions d'adultes de moins de 70 ans sont morts prématurément du cancer dans le monde en 2020 dont 2,3 millions de femmes. Les femmes représentent donc 48 % des cas de cancer, et 44 % des décès. Les experts estiment que 1,5 million de ces décès prématurés de femmes pourraient être évités en éliminant les facteurs de risque ou en améliorant le dépistage et le diagnostic précoce. Les 800 000 morts prématurées qui restent pourraient, elles, être évitées en assurant aux femmes un accès correct à une prise en charge optimal. En tout, ce sont 7 décès prématurés de femme par cancer sur 10 qui pourraient être évités.
Environ 1,3 million de décès prématurés de patientes étaient liés à l'exposition à 4 des facteurs majeurs et évitables de risque de cancer : tabac, alcool, surpoids voire obésité et infections. Une exposition au risque qui pourrait être corrigée par une meilleure connaissance des facteurs de risque : selon une étude menée au Royaume Uni en 2019, seulement 19 % des femmes qui participent à un programme de dépistage du cancer du sein identifient l'alcool comme déterminant majeur de cancer du sein.
Des coûts insoutenables
Selon une analyse menée par le groupe d'experts sur un travail réalisé dans huit états asiatiques, près des trois quarts des femmes atteintes d'un cancer déplorent des dépenses de santé insoutenables dans l'année qui suit le diagnostic. Ces dépenses représentent en moyenne plus de 30 % des revenus du foyer. Les chercheurs constatent que les femmes malades doivent, plus souvent que les hommes, faire des arbitrages entre les dépenses de santé et les dépenses nécessaires à la famille.
Au-delà de l'aspect financier, le sexisme conduit, dans certaines régions du monde, à proposer des soins de moins bonne qualité aux patientes. Dans de nombreuses enquêtes, les femmes se plaignent plus fréquemment que les hommes de douleurs inadéquatement prises en charge. La discrimination de genre peut se doubler, dans certains cas, d'une discrimination ethnique.
Les soignantes, moins bien considérées
L'inégalité de genre se manifeste enfin dans le traitement réservé au personnel de santé féminin. « Le travail des femmes au sein de la lutte contre le cancer est sous-évalué, écrivent les experts. Elles représentent la majorité du personnel soignant non rémunéré, et sont sous-représentées dans les instances dirigeantes qui décident des politiques publiques ciblant ces maladies. » Ainsi, sur les 184 unités de soins anticancéreux de référence répertoriées dans le monde, seulement 16 % sont dirigées par des femmes.
La commission du Lancet lance donc un appel pour une « approche féministe de la prise en charge du cancer », qui prenne en compte le sexe et le genre dans les politiques publiques et les recommandations.
« Les discussions sur le cancer des femmes tournent surtout autour des cancers typiquement féminins, comme le cancer du sein ou du col de l'utérus, rappelle la Dr Soerjomataram. Mais environ 300 000 femmes meurent chaque année avant 70 ans d'un cancer du poumon, et 160 000 d'un cancer colorectal. Au cours des dernières décennies, dans beaucoup de pays à haut revenus, les décès par cancer du poumon sont désormais plus nombreux que ceux par cancer du sein. ».
Les chercheurs estiment qu'il faudrait mieux comprendre les facteurs de risque de cancer chez la femme, encore moins bien étudiés que chez l'homme. Et de rappeler les incertitudes concernant les risques liés à certains produits commerciaux majoritairement utilisés par des femmes, comme les implants mammaires, les produits éclaircissant la peau ou les produits pour cheveux.
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