Lors de leur présentation au congrès de l’American Society of Clinical Oncology (Asco) en juin, les résultats de l’étude TransMet ont reçu un « écho considérable dans la communauté oncologique », rapporte auprès du Quotidien le Pr René Adam, directeur général de l’European Liver Transplant Registry (ELTR). Son équipe du centre hépato-biliaire de l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP) a en effet démontré les bénéfices significatifs d’une transplantation hépatique, combinée à une chimiothérapie, dans le cancer colorectal métastatique. Les résultats sont publiés dans The Lancet.
La prise en charge des métastases hépatiques du cancer colorectal varie selon les patients. Dans environ 20 % des cas, la chirurgie est indiquée et permet d’obtenir une survie à 5 ans de l’ordre de 40 à 50 %. Dans 20 à 30 % des cas, les malades ne sont pas opérables d’emblée mais seulement après une chimiothérapie qui rend les métastases résécables. Chez ces patients, le taux de survie à 5 ans peut atteindre 30 à 40 %. Il reste ainsi 60 % de malades chez lesquels les métastases ne sont résécables ni d’emblée, ni après une chimiothérapie.
Actuellement, 60 % de patients inéligibles à la chirurgie
« Chez ces patients, le traitement standard est la chimiothérapie qui a connu d’énormes avancées depuis une vingtaine d’années. Mais ces progrès sont à court et moyen terme : à 5 ans, la survie ne concerne que 5 à 10 % des malades », explique le Pr Adam, premier auteur de la publication du Lancet. Si la transplantation hépatique apparaît comme une perspective logique pour ces patients, les premiers résultats, obtenus il y a une vingtaine d’années, « n’étaient pas bons », poursuit-il. La survie à 5 ans ne dépassait pas 18 %, loin des niveaux atteints dans les autres indications de greffe du foie.
Depuis, les chimiothérapies se sont améliorées, permettant de reconsidérer l’idée de transplanter pour métastases. En Norvège, seul pays où il y a plus de donneurs que de receveurs, cette approche a été mise en application et a donné de bien meilleurs résultats. C’est pour conforter cette première expérience que l’essai TransMet a été lancé.
Sous la houlette de l’équipe du Pr Adam, 20 centres ont participé à cet essai randomisé baptisé TransMet : 14 en France, 4 en Belgique et 2 en Italie. Au total, 94 patients âgés de 18 à 65 ans ont été inclus. Tous présentaient des métastases exclusivement hépatiques, non résécables et bien contrôlées par au moins trois mois de chimiothérapie et au plus trois lignes de traitement.
Pour mener cet essai dans un contexte de pénurie de greffons, l’équipe a négocié un accord avec l’Agence de la biomédecine (ABM) pour que les malades soient priorisés sur la liste d’attente des receveurs et que la probabilité d’une transplantation puisse intervenir dans les deux mois suivant l’inscription. Les patients ont par ailleurs été soumis à une sélection stricte, validée par un comité indépendant composé d’oncologues, de chirurgiens et de radiologues.
Une réelle perspective de guérison
Les résultats montrent un net bénéfice de la transplantation hépatique. Selon l’analyse per protocole, les patients transplantés avaient une survie à 5 ans de 73 %, contre 9 % pour ceux n’ayant été traités que par chimiothérapie. Après un suivi médian de 50 mois, 42 % des malades étaient en rémission complète après transplantation contre seulement 3 % après chimiothérapie seule. L’écart est « considérable », relève le Pr Adam : « On offre une réelle perspective de guérison à des patients qui autrement n’avaient qu’une chance infime de survie à 5 ans. »
Ces résultats invitent à une réévaluation des recommandations cliniques. « Cet essai va manifestement changer la pratique pour les patients qui ont des métastases uniquement hépatiques et qui répondent bien à la chimiothérapie », anticipe le Pr Adam. Le changement de pratique attendu s’accompagne d’un changement de concept : « C’est la première fois que l’on démontre qu’une maladie métastatique peut bénéficier d’un gain de survie par le retrait de l’organe métastatique dans le cadre d’un cancer digestif », poursuit-il.
Les résultats ouvrent aussi la perspective du don vivant, « une technique largement éprouvée », assure le Pr Adam. « Dès lors que l’indication est validée, la possibilité d’un don familial, qui n’impacte pas le nombre de donneurs potentiels, est indiscutablement ouverte », se réjouit-il.
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