Depuis 2015, les patients en rechute de leur leucémie lymphoïde chronique (LLC) bénéficient d’une thérapie ciblée, l’ibrutinib. Autorisée depuis en première intention, celle-ci voit arrivée aujourd’hui une nouvelle génération d’inhibiteurs de BTK, dont l’acalabrutinib et le zanubrutinib. Pour la première fois, deux études de phase 3 les ont comparés en face-face à l’ibrutinib. Ce pari risqué pour les challengers a-t-il porté ses fruits ?
Moins de fibrillations atriales sous acalabrutinib
Mené chez 533 patients atteints d’une LLC précédemment traitée en présence d’une délétion 17p ou 11q, l’essai ELEVATE-RR (1) a mis en évidence une survie sans progression (SSP, critère d’évaluation principal de non-infériorité) équivalente pour les deux inhibiteurs de BTK (38,4 mois dans chaque bras, HR = 1,0 ; IC 95 % : 0,79-1,27), après un suivi de 40,9 mois.
Par contre, une réduction significative de l’incidence des fibrillations atriales (FA) ou flutters, tous grades, était observée sous acalabrutinib (9,4 % versus 16 %, p = 0,02). De plus, « il n’y a pas eu d’arrêt de traitement lié à cet effet secondaire dans le bras acalabrutinib (versus 16,7 % des patients en FA sous ibrutinib), relève le Dr Stéphane Lepêtre, hématologue au centre Henri-Becquerel de Rouen. Globalement, la tolérance est nettement meilleure sous acalabrutinib » (2). En effet, il a été rapporté moins d’effets indésirables tous grades, tels que les événements cardiaques (24,1 % vs 30 %), hémorragiques (38 % vs 51,3 %), l’hypertension (9,4 % vs 23,2 %), les diarrhées (34,6 % vs 46 %), les pneumopathies interstitielles ou inflammatoires (2,6 % vs 6,5 %) et les seconds cancers primitifs (sauf tumeurs cutanées non-mélanome, 9 % vs 7,6 %).
En revanche, le Pr Lepêtre souligne « un petit bémol sur les céphalées, davantage présentes sous acalabrutinib (34,6 % vs 20,2 %) », de même que la toux (28,9 % vs 21,3 %). Quant à la survie globale médiane, elle n’a été atteinte dans aucun des deux groupes.
L’efficacité au rendez-vous pour le zanubrutinib
L’étude ALPINE (3) réalisée auprès de 415 patients présentant une LLC ou un lymphome lymphocytaire de petite taille récidivant ou réfractaire, a comparé le zanubrutinib à l’ibrutinib. L’analyse à 15 mois a révélé une amélioration significative du taux de réponse globale sous zanabrutinib (78,3 % vs 62,5 %, p = 0,0006), notamment en cas de délétion 11q (83,6 % vs 69,1 %) et 17p (83,3 % vs 53,8 %). De plus, le zanabrutinib a permis d’augmenter non seulement la SSP à 12 mois (94,9 % vs 84 %), mais également la survie globale (97 % vs 92,7 %).
Concernant la tolérance, une diminution significative de la fibrillation atriale ou flutter (2,5 % vs 10,1 %, p = 0,0014) a été observé sous zanabrutinib. De même, il a été rapporté moins de saignements majeurs (2,9 % vs 3,9 %), d’effets secondaires responsables d’arrêts de traitements (7,8 % vs 13,0 %) ou de décès (3,9 % vs 5,8 %), ainsi que d’infections sévères (grade ≥ 3 : 12,7 % vs 17,9 %). Par contre, davantage de neutropénies étaient répertoriées (28,4 % vs 21,7 %).
Tant en termes d’efficacité que de tolérance, l’essai ALPINE entérine donc l’intérêt de cet inhibiteur de BTK de nouvelle génération, plus sélectif que l’ibrutinib.
Et en première intention ?
Chez les patients non prétraités pour leur LLC, l’acalabrutinib confirme son efficacité à quatre ans, en association avec l’obinutuzumab ou en monothérapie, par rapport au protocole chlorambucil-obinutuzumab. Après un suivi médian de 46,9 mois auprès de 535 patients, l’étude de phase 3 ELEVATE-TN (4) a montré que les taux de SSP estimés à 48 mois sous acalabrutinib atteignaient 87 % en association et 78 % en monothérapie (vs 25 % sous chlorambucil-obinutuzumab), réduisant ainsi respectivement de 90 % (HR = 0,10) et 81 % (HR = 0,19) le risque de progression de la maladie.
Depuis novembre 2020, l’acalabrutinib est homologué en Europe dans la LLC, en monothérapie ou en association à l’obinutuzumab chez les patients non prétraités, ainsi qu’en monothérapie en cas de traitement antérieur.
(1) Byrd JC et al. First Results of a Head-to-Head Trial of Acalabrutinib versus Ibrutinib in Previously Treated Chronic Lymphocytic Leukemia. Presentation orale ASCO 2021. Abstract 7500.
(2) D’après l’intervention du Pr Stéphane Lepêtre lors de la conférence de presse du laboratoire AstraZeneca, 8 juin 2021.
(3) Hillmen P et al. First Interim Analysis of ALPINE Study : Results of a Phase 3 Randomized Study of Zanubrutinib vs Ibrutinib in Patients with Relapsed/Refractory Lymphocytic Leukemia/Small Lymphocytic Lymphoma, EHA 2021, abstract LB1900.
(4) Sharman JP et al. Acalabrutinib ± Obinutuzumab vs Obinutuzumab + Chlorambucil in Treatment-Naïve Chronic Lymphocytic Leukemia: ELEVATE-TN 4-Year Follow-up. Poster ASCO 2021. Abstract 7509.
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