Quelles seront les conséquences de la révolution numérique dans le suivi des patients atteints du diabète de type 1 ? Et comment cette révolution va-t-elle transformer les métiers de la diabétologie ? Voilà des questions majeures, pour le Pr Charles Thivolet, chef du service d’endocrinologie et de diabétologie de l’hôpital Lyon sud. « La première irruption des chiffres dans la prise en charge concerne l’insulinothérapie fonctionnelle et l’ajustement de la dose d’insuline, proposée au patient via le comptage des glucides consommés lors du repas, explique-t-il. Désormais, le diététicien va expliquer au patient la façon de quantifier la ration de glucides à chaque repas pour qu’il puisse donner cette information à un outil numérique, par exemple une application sur son smartphone. Concrètement, le patient annonce à cette application la quantité de glucides qu’il estime avoir dans son assiette et l’application va lui proposer une dose d’insuline que le patient validera, ou non. Cela lui permet de garder une certaine domination de cette intelligence artificielle, mais jusqu’à une certaine limite, car beaucoup de patients s’en remettent complètement à la machine au bout du compte ».
Pour le Pr Thivolet, l’utilisation de ces outils modifie le message délivré aux patients. « Avant, on avait institué un plan alimentaire fixe. Le patient repartait de la consultation avec une ration toute prête et, en gros, la consigne de manger des féculents à chaque repas. La dose d’insuline était fixée par rapport à cette prescription. Aujourd’hui, on a introduit une certaine forme de liberté alimentaire, qui repose sur ce comptage des glucides. Parfois, cela fait peur aux patients, notamment les plus anciens, qui ont été habitués à un cadre un peu rigide mais sécurisant à leurs yeux. Certains disent : "c’est bien cette liberté mais j’ai un peu peur de manger n’importe quoi" » , constate le Pr Thivolet.
De la mesure continue au big data
Mais la véritable révolution a été la mesure continue du glucose avec l’arrivée des capteurs. « Avant, on passait à côté de beaucoup de choses et on était obligé de jouer les détectives pour essayer de comprendre certaines variabilités glycémiques importantes, rappelle le Pr Thivolet. Aujourd’hui, avec les capteurs qui mesurent le glucose en continu, on entre vraiment dans la vie des patients. On peut repérer des hypoglycémies qui passaient inaperçues, par exemple la nuit. »
Pour le Pr Thivolet, cette irruption du big data transforme le métier du diabétologue. « Avant, on recevait le patient et on raisonnait sur trois ou quatre mesures. Aujourd’hui, chaque mois, ce sont plus de 28 000 mesures que nous avons à traiter ! Le risque est de se retrouver un peu démuni face à un tel flot d’informations, considère-t-il. Médecins comme patients, le burn-out glycémique nous guette. Ces derniers peuvent ne pas toujours comprendre toutes ces variations, quant à nous, nous pouvons être pris de court pour analyser toutes ces données et les transformer ensuite en des conseils utiles pour les patients ».
Le défi de la télésurveillance
« Désormais, le diabétologue est devenu un gestionnaire de données importantes et complexes, qu’il doit utiliser au mieux pour optimiser le suivi, souligne le Pr Thivolet. La mise en place d'une télésurveillance, avec le suivi numérique des patients à distance, est un défi majeur dans la prise en charge de cette pathologie dont le traitement n’est pas toujours parfaitement reproductible d’un jour à l’autre, en fonction de la diffusion de l’insuline, de l’émotion, du stress, des contrariétés professionnelles ».
L’étape suivante est la connexion de cette mesure continue de la glycémie avec des appareils de délivrance d’insuline. « C’est la notion de boucle fermée, avec des algorithmes qui vont tenir compte des glycémies pour piloter l’administration d’insuline en continu. Aujourd’hui, il y a une dizaine de dispositifs en développement dans le monde, dont Diabeloop en France et Medtronic aux États-Unis avec les pompes 670 G », précise le Pr Thivolet.
La diabétologie n’en est qu’au tout début de cette nouvelle ère. « Il est clair qu’à l’avenir, nous aurons des outils de plus en plus performants dans l’administration d’insuline. Et face à cette révolution numérique, les professionnels de santé que nous sommes vont devoir se positionner. Devons-nous intervenir uniquement dans la prescription ou aussi dans le pilotage à distance de ces outils ? C’est une question majeure car elle pose l’avenir de nos métiers », estime le Pr Thivolet.
Entretien avec le Pr Charles Thivolet, chef du service d’endocrinologie et de diabétologie de l’hôpital Lyon sud
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