« L'étude Protect affirme la place de la surveillance active dans le cancer de la prostate à faible risque ou à risque intermédiaire », explique le Pr Alexandre de la Taille, urologue au CHU Henri-Mondor (AP-HP) et président de l'Association française d'urologie (AFU). Les résultats de cette étude prospective lancée en 1999 permettent de traduire en chiffres avec un suivi de plus de 15 ans ce qui est observé en pratique. La mortalité spécifique par cancer de la prostate est aussi faible pour la surveillance active qu'avec les autres options proposées dans le cancer de la prostate localisé.
La surveillance active s'est fait une place en Europe et en France ces dernières années. « C'était plus difficile de la proposer il y a 5 ou 10 ans, rapporte l'urologue. La population a compris que le cancer de la prostate évolue lentement. Les praticiens ont amélioré leur communication. Si le cancer peut être évolutif, beaucoup de formes le sont peu, il faut les surveiller. »
La stratification du risque reste néanmoins un défi entre sous- et surtraitement. Aux États-Unis, le diagnostic de cancer de la prostate a été posé chez 192 000 hommes en 2020 et 33 000 en sont morts. Depuis l'actualisation des recommandations outre-Atlantique en 2012 et en 2018, le nombre de cas de cancer de la prostate localisé a baissé au profit des cancers régionaux et avancés, sans que la mortalité spécifique par cancer ne change.
Ici, l'étude soutenue par l'Institut national de la recherche en soins et santé au Royaume-Uni s'est fondée sur les prélèvements sanguins de 82 429 hommes âgés entre 50 et 69 ans ayant réalisé un test PSA entre 1999 et 2009. Un cancer de la prostate a été diagnostiqué chez 2 664 d'entre eux, dont 1 643 ont été inclus dans Protect. Les participants ont été randomisés entre surveillance active (n = 545), prostatectomie (n = 553) et radiothérapie (n = 545).
Tous les patients inclus présentaient un cancer de faible agressivité. Un contrôle des PSA tous les trois mois la première année puis tous les 6 à 12 mois après. Dans le groupe surveillance active, une augmentation d'au moins 50 % des PSA ou toute inquiétude de la part du patient ou du praticien donnait lieu à une réévaluation des options possibles, de la poursuite de la surveillance active à un traitement radical (chirurgie ou radiothérapie) ou palliatif (hormonothérapie).
Un suivi exceptionnel
« L'étude est exceptionnelle car le taux de perdus de vue est très faible sur une aussi longue période, souligne le Pr de la Taille. Environ 98 % des patients sont restés dans le suivi. » La mortalité spécifique par cancer de la prostate n'était pas significativement différente entre les trois groupes : 3,1 % (n = 17) dans le groupe surveillance active, 2,2 % (n = 12) dans le groupe prostatectomie et 2,9 % (16) dans le groupe radiothérapie. Quant à la mortalité toutes causes (21,7 %), elle était également la même dans les trois groupes.
Sans surprise, il y avait un taux de métastases significativement plus élevé dans le groupe surveillance active (9,4 %) qu'avec la chirurgie (4,7 %) et la radiothérapie (5,0 %). Ainsi, une hormonothérapie antiandrogénique au long cours a été mise en place plus fréquemment dans le groupe surveillance active (12,7 % versus 7,2 % et 7,7 %). Au terme du suivi, près d'un quart (24,4 %) des patients du groupe surveillance active ne prenait aucun traitement pour leur cancer de prostate.
Apports de l'IA et de la biologie moléculaire
« Depuis Protect, on a beaucoup avancé dans la surveillance active, rapporte le Pr de la Taille. L'option est vraiment entrée dans les pratiques et les protocoles sont bien définis, avec un taux de PSA tous les six mois, une IRM tous les deux ans et une biopsie entre 6 à 12 mois après le diagnostic initial puis tous les deux ans. La résolution de l'IRM apporte beaucoup d'informations qui permettent de sortir de la surveillance active au bon moment. Il est même fort probable que l'étude sous-estime les bénéfices de cette option. »
De plus, de nouveaux progrès sont attendus. Le PSA est un bon marqueur mais pas très spécifique. « À l'avenir, des outils de biologie moléculaire et la meilleure diffusion de l'IRM prostatique devraient permettre d'affiner encore les choses pour mieux stratifier et mieux surveiller », annonce le spécialiste.
L'intelligence artificielle devrait permettre de standardiser la lecture d’images, encore trop dépendante du radiologue, mais aussi de détecter plus précocement des lésions suspectes à risque évolutif.
F. C. Hamdy et al, NEJM, 2023. DOI: 10.1056/NEJMoa2214122
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