Souvent en tête en matière de progrès médicaux, les États-Unis attrapent cette fois-ci le train en marche. En effet, l’Agence américaine des médicaments, la FDA, vient tout juste d’approuver, le premier décembre dernier, l’utilisation de la TEP-PSMA, un examen déjà largement diffusé dans de nombreux pays comme l’Allemagne, l’Australie, l’Italie ou encore la Belgique.
L'institution américaine a autorisé l’usage d’un traceur radioactif innovant, le ⁶⁸Ga-PSMA-11, qui se fixe spécifiquement sur une protéine membranaire surexprimée par les cellules cancéreuses prostatiques, le Prostate-specific membrane antigen (PSMA). Visualisé par TEP-scanner, ce traceur permet ainsi d’obtenir des images d’une grande précision pour détecter l’extension tumorale extra-prostatique (ganglions et métastases), sans commune mesure avec les examens utilisés jusqu’alors.
« C’est une avancée majeure pour les patients atteints du cancer de la prostate, constate le Dr Jérémie Calais, médecin nucléaire et chercheur français travaillant à l’Université de Californie de Los Angeles (UCLA) et l’un des principaux acteurs de la procédure d’approbation par la FDA. Avec l’arrivée sur le marché d’autres traceurs analogues au ⁶⁸Ga-PSMA-11, j’ai bon espoir que la TEP-PSMA devienne un examen standard largement diffusé aux États-Unis, en France et dans le reste du monde, comme c’est le cas en Allemagne, pays pionnier dans le domaine. »
La France, mauvaise élève
Malgré des études récentes prouvant la nette supériorité de la TEP-PSMA sur les autres types d’imagerie, comme le TEP-scanner à la choline (TEP-choline), la France, contrairement à l’Allemagne, tarde à se convertir à son utilisation. « Elle est clairement l’une des mauvaises élèves de l’Europe », affirme le Pr Karim Fizazi, cancérologue à l’institut Gustave Roussy à Villejuif. À l’heure actuelle, la TEP-PSMA bénéficie d’une simple autorisation temporaire d’utilisation (ATU) en cas de récidive du cancer et seulement si la TEP-choline n’a pas été contributive. Une limitation qui afflige le professeur francilien: « Je suis parfois obligé d’adresser mes patients en Belgique ou en Allemagne pour qu’ils bénéficient de cette imagerie de pointe. Il serait temps que les autorités françaises approuvent formellement la TEP-PSMA si nous ne voulons pas décrocher le bonnet d’âne européen ! ».
Pourquoi cet examen est-il une innovation médicale sans précédent ? Pour rappel, les cellules cancéreuses possèdent un métabolisme accéléré et consomment de ce fait énormément de substrats énergétiques (glucose, acides aminés ou encore lipides) comparativement aux tissus sains de l’organisme. Le principe du TEP-scanner est donc de marquer radioactivement l'un de ces substrats grâce à un isotope avant de l’injecter dans la circulation sanguine du patient. Ce traceur (substrat + isotope) est alors absorbé par les cellules cancéreuses et sa répartition est ainsi visualisée par imagerie dans l’ensemble de l’organisme.
Supériorité sur la TEP-choline
Parmi les traceurs utilisés, le plus connu est le FDG, un sucre fluoré empruntant la voie de consommation du glucose. Toutefois, pour le cancer prostatique, d’autres traceurs lui sont préférés car ils offrent des images plus précises : la fluorocholine (TEP-choline) qui cible le métabolisme des lipides ou encore la fluciclovine qui vise celui des protéines (TEP-Axumin). Actuellement, c’est la TEP-choline qui est majoritairement utilisée par les médecins nucléaires français pour rechercher une localisation secondaire du cancer. Même si cette dernière offre de meilleurs résultats que l’historique couple scanner/scintigraphie osseuse, son rendu d’images est bien moins performant qu'avec la TEP-PSMA.
« La grande nouveauté avec cet examen par rapport aux autres types de TEP-scanner, explique le Dr Calais, vient du fait que le traceur utilisé se fixe directement sur une protéine de surface, le PSMA, cent à mille fois plus exprimée par les cellules cancéreuses prostatiques que par les cellules épithéliales normales. » De ce fait, le traceur vient spécifiquement et directement se fixer sur le tissu malade sans emprunter la voie classique du métabolisme énergétique.
Détection précoce
« Ce point est très important, précise le médecin, car l’imagerie ciblant la surexpression du PSMA permet d’obtenir un signal d’image quantitativement bien supérieur à l’imagerie visant l’hypermétabolisme tumoral. » Les images capturées avec la TEP-PSMA offrent ainsi un contraste beaucoup plus important entre le tissu sain et celui malade permettant de détecter les disséminations secondaires avec une plus grande facilité.
« Par conséquent, les lésions cancéreuses peuvent être décelées beaucoup plus précocement avec la TEP-PSMA qu’avec la TEP-Choline ou la TEP-Axumin », souligne le Dr Calais. In fine, avec la TEP-PSMA, pas besoin d’attendre que l’extension tumorale soit métaboliquement bien développée pour la repérer.
Cet examen est donc particulièrement intéressant lors du bilan d’extension initial des formes à haut risque et en cas de récidive du cancer de la prostate grâce à sa meilleure résolution et sa grande précocité de détection. Toutefois, son usage ne se limite pas au seul diagnostic des lésions secondaires. Des applications en « théranostique », un domaine médical en plein essor combinant à la fois la thérapeutique et le diagnostic d’une même cible moléculaire, sont à l’étude en Allemagne et en Australie, toutes deux à la pointe dans ce secteur.
La grande majorité des spécialistes du cancer de la prostate à travers la planète approuvent la TEP-PSMA dont les applications vont au-delà du simple diagnostic. Quand la France va-t-elle franchir le pas ? Alors que tous les regards sont tournés vers la crise du Covid et les difficultés à lancer la vaccination, la TEP-PSMA dans l’hexagone n'est pas encore à l'heure des priorités.
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