Anatomopathologie

Les défis de l’expertise

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Publié le 20/11/2017
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Crédit photo : Phanie

« De tout temps, lorsqu’un un anatomopathologiste avait un doute diagnostique sur une lésion, il adressait le cas à un expert dans lequel il avait confiance pour obtenir une réponse fiable et rapide », indique le Pr Jean-Pierre Bellocq (CHU Strasbourg), président de l’AFAQAP (Association française d’assurance qualité en anatomie et cytologie pathologiques).

Un besoin croissant d’expertise

Ces dernières années, le besoin d’expertise a augmenté, touchant aussi bien le diagnostic que la prise en charge thérapeutique. « Ce besoin sécuritaire est une tendance générale qui ne concerne pas que la médecine. Dans le domaine du cancer, nous rencontrons des lésions de plus en plus précoces nécessitant des diagnostics parfois très subtils pour lesquelles un avis d’expert est nécessaire. Cet avis d’expert étant également souvent sollicité sur des lésions avancées rares ou complexes », souligne le Pr Bellocq.

L’organisation de cette expertise est bien sûr fondamentale. Deux modèles sont possibles. « Le premier consiste à mettre en place deux ou trois centres nationaux de haute expertise auxquels seront adressées toutes les demandes de second avis. Avec le risque que ces centres ne puissent pas répondre dans des délais satisfaisants du fait de l’accumulation de demandes. En termes d’efficacité, je préfère un autre modèle, celui d’un maillage territorial basé sur une expertise régionale, au besoin complétée par une expertise nationale », indique le Pr Bellocq.

Autre tendance majeure, celle du développement de l’expertise en biologie moléculaire. Une expertise qui, selon certains, pourrait à terme menacer celle des anatomopathologistes. Le Pr Bellocq n’est pas de cet avis. « La biologie moléculaire repose sur une technologie puissante et évolutive qui génère des avancées médicales capitales. Mais j’ai tendance à penser qu’on en surévalue actuellement l’apport pratique et je ne pense pas que la biologie moléculaire remplacera l’anatomopathologie. Dans une pyramide, il y a un sommet mais aussi une base, et l’anatomopathologiste offre une compréhension globale de la lésion qui demeure essentielle », indique le Pr Bellocq.

Intégrer la technologie numérique

Une autre question se pose, celle du support qui servira à l’expertise de demain. « Classiquement, l’échange à visée diagnostique entre anatomopathologistes a reposé sur les transmissions de lames et de blocs en paraffine par voie postale. Aujourd’hui, la technologie remet en cause l’envoi de ce matériel pour le remplacer par des lames virtuelles transmises par Internet. Ces dernières sont un excellent outil de partage d’informations, rapide et fiable, mais ne permettent pas de remplacer l’expertise directe sur blocs de tissus. Nous ne sommes pas dans la même situation que les radiologues qui produisent de l’image numérique de façon native et peuvent ne travailler que sur ces images numériques. En anatomie pathologique, numériser une lame n’apporte pas de plus-value diagnostique systématique. Cette plus-value est à définir au cas par cas. Plus globalement, il reste à identifier les situations ou le numérique apportera une aide diagnostique pertinente », insiste le Pr Bellocq.

(1) Association française d’assurance qualité en anatomie et cytologie pathologiques (AFAQAP).

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du médecin: 9620