Des Veggie burgers chez McDo, un « salon dédié au mode de vie vegan » (Veggie world, qui a eu lieu ces 22 et 23 avril à Paris), et même un candidat à la présidentielle qui propose des menus sans viande dans les cantines scolaires… la tendance végétarienne est partout. Cela ne date pourtant pas d’hier ! Plutarque, au Ier siècle de notre ère, dans « Manger la chair » se demandait déjà « quelle affection, quel courage, ou quelle raison eut donc l’homme qui le premier avança de sa bouche une chair meurtrie, qui osa toucher de ses lèvres la chair d’une bête morte (…) et faire viande et nourriture des membres qui devant peu bêlaient, mugissaient, marchaient et voyaient ».
Pour Daniel Tomé, professeur à AgroParisTech et directeur de l'unité Physiologie de la nutrition et du comportement alimentaire à l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), il existe trois grandes motivations, non exclusives les unes des autres, qui mènent au végétarisme. « D’abord, la position philosophique de respect de la vie, le refus de manger des animaux morts, qui était très confidentielle, mais monte en puissance ces dernières années, indique-t-il. Puis les motivations de santé humaine, qui trouvent leur source dans la charcuterie comme facteur de risque des cancers colorectaux ou les scandales dans les filières animales. Et enfin une préoccupation environnementale, de coût (en surfaces agricoles et en pollution) de la production animale. »
Aujourd’hui, dans un pays sans grande tradition végétarienne comme la France (contrairement à la Grande-Bretagne), « les chiffres sont assez stables, avec environ 2 à 3 % de végétariens », rappelle Véronique Pardo, anthropologue et responsable de l’Observatoire CNIEL (centre national interprofessionnel de l'économie laitière) des habitudes alimentaires (OCHA). La consommation moyenne de viande par personne est cependant en baisse (de 65 g de viande rouge consommée par personne et par jour en 2003 à 52,5 g/jour en 2013*), et surtout, « on constate que 10 % environ des Français envisagent de devenir végétariens, poursuit-elle. Cette tendance accompagne l’augmentation des questionnements autour du bien-être animal et des conditions d’élevage, en particulier chez les plus jeunes. » Des questionnements qui rejoignent les motivations « philosophiques » pour devenir végétarien.
Végétarien, végétalien, flexitarien
Croire que végétarien signifie « qui ne mange pas de viande » est un peu simpliste. Les tendances sont nombreuses. Les végétaliens ne consomment aucun produit animal (ce qui signifie la chair des animaux mais également ce dont ils sont à l’origine : produits laitiers, œufs, miel). Quant aux végétariens, il en existe plusieurs catégories : les ovo-lacto-végétariens ne mangent ni œufs ni produits laitiers, les lacto-végétariens s’octroient des œufs, et les ovo-végétariens des produits laitiers, tandis que les pesco-végétariens ajoutent régulièrement poissons et produits de la mer à leurs menus. La question des fromages demeure débattue : de la présure, extraite de l'estomac de jeunes ruminants (morts dans le processus), étant le plus souvent employée pour faire coaguler le lait. Autre catégorie largement répandue : les flexitariens, qui consomment rarement de la viande ou du poisson, sans toutefois les exclure totalement de leur alimentation.
Futurs centenaires ou grands carencés ?
La santé reste au cœur des controverses sur les régimes végétariens : va-t-on vivre plus ou moins longtemps et en plus ou moins meilleure santé en bannissant les produits animaux de notre alimentation ? Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a récemment précisé les nouveaux repères alimentaires du Programme national nutrition santé (PNNS). Il est désormais recommandé de ne pas dépasser 500 g de viande rouge par semaine, de limiter la charcuterie, de consommer deux produits laitiers par jour (et non trois), et deux produits de la mer par semaine (et non plus « au moins deux »). Aucune recommandation n’est faite en matière de consommation d’œufs. « Concernant la viande rouge et la charcuterie, ces recommandations sont basées sur les études portant sur le surrisque de cancer colorectal menées par le CIRC (centre international de la recherche sur le cancer) et l’INCa (Institut national sur le cancer) », explique Mathilde Touvier, chercheuse à l’INSERM, épidémiologiste dans l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (U1153). « Le niveau de preuves convaincant a conduit à établir ces limites chiffrées. Concernant les produits laitiers, qui constituent une bonne source de calcium et de protéines mais aussi d’acides gras saturés, il s’agit de conseiller un apport équilibré, sans en faire trop. Quant aux produits de la mer, c’est le problème de la contamination aux métaux lourds qui a conduit à ne pas conseiller des apports en excès. Et comme il n’existe pas d’étude spécifique sur la consommation d’œufs, aucune recommandation spécifique n’a été faite », précise-t-elle. L’étude Nutrinet-Santé se penche actuellement sur les liens entre régimes végétariens et pathologies chroniques. « Des résultats préliminaires montrent qu’une alimentation plus végétale serait associée à un plus faible risque de cancer mais ils sont encore à l’étude », souligne Mathilde Touvier.
On peut à l’inverse s’interroger sur les risques associés, en particulier de carences, à une alimentation qui exclut certaines catégories d’aliments. « Ceux qui ne sont pas strictement végétariens disposent tout de même de sources de protéines animales de bonne qualité », rappelle Daniel Tomé. En adaptant son alimentation (en particulier en y ajoutant des légumineuses), la couverture en protéines est assurée. Un régime végétalien strict est plus problématique car certaines vitamines et minéraux (B12 et zinc surtout) ont comme source alimentaire unique les produits animaux. « Il existe cependant des solutions, par les compléments alimentaires », tempère Daniel Tomé.
Des profils sociodémographiques variables
Une étude menée sur la cohorte Nutrinet-santé a été brièvement présentée aux Journées francophones de nutrition fin 2016 (elle est en attente de publication). Elle avait pour but d’estimer les associations entre caractéristiques sociodémographiques et végétarisme ou végétalisme, en se basant sur la comparaison de trois groupes (omnivores, végétariens et végétaliens). On observe des différences entre ces deux derniers groupes : par rapport aux omnivores, les végétariens sont plus souvent des femmes, et les végétaliens plus souvent des hommes ; les premiers ont des revenus faibles à modérés et des niveaux d’étude élevés, tandis que les seconds ont des revenus modérés et de faibles niveaux d’étude, et habitent plus fréquemment en région parisienne. Mais les points de concordance existent aussi : ces deux groupes sont moins âgés que les omnivores, sont plus souvent travailleurs indépendants ou chefs d’entreprise, présentent un IMC plus faible, et vivent plus souvent seuls.
*Données du Crédoc, centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.
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