LE QUOTIDIEN DU MEDECIN - Quand a-t-on commencé à s’intéresser à la néphrectomie partielle pour traiter les carcinomes rénaux et quelles sont les raisons ayant conduit à utiliser cette approche ?
Dr FRANÇOIS ROZET - c’est dans les années 1990 que les premières équipes ont expérimenté ce nouveau mode de prise en charge des carcinomes à cellules rénales ; auparavant, la sanction était la néphrectomie totale élargie (NTE) dans tous les cas. Des études ont toutefois établi que, lorsque la tumeur mesure moins de 4 cm, l’exérèse limitée à cette dernière donne d’aussi bons résultats en termes de survie, le taux de survie sans récidive étant de l’ordre de 95 % à cinq ans comme pour la NTE (1), mais que cela s’accompagne d’une moindre détérioration de la fonction rénale puisque la néphrectomie partielle (NP) épargne le tissu rénal sain.
C’est ainsi que la NP est progressivement devenue le traitement de référence pour les tumeurs de moins de 4 cm lorsque le rein controlatéral était sain. Cela étant, dans les dernières recommandations qu’il a formulées en 2007 (2), le comité de cancérologie de l’Association Française d’Urologie a estimé qu’il était licite de recourir à ce type d’intervention même en l’absence de rein controlatéral sain, dès lors qu’il existait une indication de nécessité telle qu’un rein unique ou un carcinome bilatéral.
En outre, la tendance actuelle est à l’utilisation de la NP pour traiter des tumeurs de taille supérieure à 4 cm (3). Cet élargissement des indications de la chirurgie partielle s’est d’abord limité aux patients que la réalisation d’une NTE aurait contraints à l’hémodialyse en raison de l’existence d’un rein unique ou d’une tumeur bilatérale, mais il va désormais au-delà dans certains centres de référence. Toutefois, cette attitude n’est pas encore validée et fait l’objet de débats quant à son innocuité.
Quelles sont les approches utilisées pour réaliser une NP ?
La technique qui, pour l’heure, demeure la plus utilisée est l’intervention par voie ouverte, le plus souvent par abord postérieur (lombotomie). Le geste chirurgical proprement dit consiste simplement à retirer la totalité du tissu tumoral sans effraction ; il n’y a plus lieu d’observer une marge de sécurité de 5 mm ou plus comme cela était précédemment de règle.
L’ablation de la tumeur peut également être pratiquée par voie clioscopique trans- ou rétropéritonéale, ce qui, comparativement à la voie ouverte, offre plusieurs avantages liés au caractère mini-invasif de l’intervention : l’incision n’est que de 3 cm environ, ce qui limite les complications pariétales ; le temps opératoire est raccourci, le saignement peropératoire réduit ; la douleur postopératoire est également moindre et les durées d’hospitalisation et de convalescence sont plus courtes.
Toutefois, l’approche clioscopique n’est encore que peu utilisée en raison de sa difficulté technique. Il est, en effet, nécessaire de disséquer le pédicule rénal et de clamper les vaisseaux rénaux, de sorte que le chirurgien dispose de moins de 30 minutes pour retirer la tumeur, effectuer l’hémostase et suturer le parenchyme rénal. La voie laparoscopique, au départ utilisée pour opérer les tumeurs exophytiques dont la taille n’excédait pas 3 ou 4 cm, est actuellement employée dans des indications plus larges.
Il existe depuis peu une nouvelle forme d’exérèse clioscopique qui est l’intervention robotisée. Les robots en question sont, en fait, des « télémanipulateurs » constitués d’une console opératoire, de trois ou quatre bras robotisés munis d’un endoscope et d’instruments chirurgicaux articulés à leur extrémité et d’un système informatique sécurisé. Ces systèmes permettent un abord mini-invasif comme en chirurgie clioscopique classique, mais avec une vision tridimensionnelle et une facilité de mouvement accrue.
Vous avez clairement mis en évidence les avantages de la NP, mais quels sont ses inconvénients, s’il en existe ?
Comparativement à la NTE, la NP peut être à l’origine de deux types de complications, dont l’incidence varie selon les études : il s’agit tout d’abord des complications hémorragiques, qui surviennent globalement dans 5 à 10 % des cas et comprennent approximativement 3,5 % de saignements peropératoires, 2 % de saignements postopératoires immédiats et 4 % d’hémorragies tardives. Le second risque est la fistulisation urinaire qui découle de l’ouverture des cavités pyélo-calicielles et est responsable de fuites urinaires ; l’incidence de ces fistules urinaires est de l’ordre de 3 à 4 %. Bien sûr, ces deux complications sont d’autant moins fréquentes que la tumeur est de petite taille et de siège périphérique.
Bien que cela n’entre pas à proprement parler dans le cadre des méthodes chirurgicales, pourriez-vous nous dire quelques mots de l’ablation des tumeurs rénales par cryothérapie et par radiofréquence ?
Le rein se prête parfaitement à ces deux types de traitement, car il est situé dans l'espace rétropéritonéal et entouré de structures anatomiques peu vulnérables ; de plus, il peut être facilement approché par un abord laparoscopique ou percutané.
Les indications de ces deux techniques mini-invasives sont actuellement limitées aux tumeurs rénales de moins de 4 cm, exophytiques et siégeant à distance des éléments du hile (vaisseaux et bassinet) et des structures digestives lorsqu’il existe une contre-indication au traitement chirurgical. L’une et l’autre de ces approches sont donc essentiellement réservées à des patients âgés et/ou fragiles.
Dans les deux cas, les risques de complications hémorragiques et de fistules urinaires sont inférieurs à ceux imputés aux techniques chirurgicales, mais les données ne sont pas vraiment comparables dans la mesure où ces nouvelles approches s’adressent uniquement à des tumeurs de petite taille et de localisation périphérique.
De plus, tant dans le cas de la cryothérapie que de l’ablation par radiofréquence, on manque de recul pour apprécier l’efficacité oncologique du traitement, car il n’existe, pour l’heure, aucun critère permettant de juger du résultat instantané. L’efficacité ne peut donc être contrôlée qu’en suivant l’évolution de la lésion par tomodensitométrie ou IRM, le critère essentiel étant l’absence de rehaussement.
› Propos recueillis par le Dr BERNARD OLLIVIER.
* Département d’urologie, Institut Montsouris, Paris.
(1) Kunkle D. A., Egleston B. L., Uzzo R. G. Excise, ablate or observe : the small renal mass dilemma – a meta-analysis and review. J Urol 2008 ; 179 : 1227-1234.
(2) Méjean A., Correas J. M., Escudier B. et coll. Tumeurs du rein. Prog Urol 2007 ; 17 : 1101-1144.
(3) Peycelon M., Vaessen C., Missraï V. et coll. résultats de la néphrectomie partielle pour les carcinomes à cellules rénales de plus de 4 cm. Prog Urol 2008 (sous presse).
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